Tribunal judiciaire de Toulouse, le 17 juin 2025, n°24/01415

Le désistement d’instance en matière de contentieux de la sécurité sociale constitue une manifestation unilatérale de volonté par laquelle le demandeur renonce à poursuivre la procédure qu’il a engagée. Cette institution procédurale, régie par les articles 394 et suivants du code de procédure civile, trouve une application spécifique devant les juridictions du pôle social, où l’article R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale organise la procédure applicable.

En l’espèce, une requérante avait saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse d’un recours contre un organisme de sécurité sociale. Par courrier électronique réceptionné le 17 avril 2025, elle a déclaré se désister de l’instance. La présidente de la formation de jugement, exerçant les missions du juge de la mise en état conformément aux articles 763 à 781 du code de procédure civile, a été saisie de cette demande de désistement.

Il convenait de déterminer si le désistement d’instance pouvait être constaté et quelles conséquences en découlaient, notamment quant à la charge des dépens.

Par ordonnance du 17 juin 2025, le tribunal judiciaire de Toulouse a constaté le désistement d’instance et l’extinction de celle-ci, laissant les éventuels dépens à la charge de la partie qui s’est désistée, en application de l’article 399 du code de procédure civile.

Cette décision invite à examiner les conditions du désistement d’instance en matière sociale (I), avant d’en apprécier les effets procéduraux et financiers (II).

I. Les conditions du désistement d’instance en matière de sécurité sociale

Le désistement d’instance obéit à des conditions de forme adaptées au contentieux social (A), tandis que son régime procédural relève de la compétence du juge de la mise en état (B).

A. La simplicité formelle du désistement en contentieux social

L’ordonnance commentée retient qu’un simple courrier électronique suffit à manifester la volonté de se désister. Cette solution s’inscrit dans la logique du contentieux de la sécurité sociale, traditionnellement marqué par un formalisme allégé destiné à faciliter l’accès au juge pour les assurés sociaux.

L’article 394 du code de procédure civile dispose que « le désistement d’instance n’est soumis à aucune forme ». La décision commentée applique ce principe avec rigueur. Le courrier électronique, bien que dépourvu de signature manuscrite, est considéré comme une manifestation suffisante de volonté. Cette solution pragmatique correspond à l’évolution des pratiques judiciaires et à la dématérialisation croissante des procédures.

Le tribunal précise avoir « recueilli les observations écrites des parties ou les avoir invitées à présenter leurs observations ». Cette mention atteste du respect du contradictoire, même dans le cadre d’une procédure simplifiée. Le défendeur, en l’occurrence l’organisme de sécurité sociale, a ainsi pu faire valoir sa position sur le désistement.

B. La compétence du juge de la mise en état pour constater le désistement

L’ordonnance est rendue par la présidente de la formation de jugement « exerçant les missions et disposant des pouvoirs reconnus au juge de la mise en état par les articles 763 à 781 du code de procédure civile ». Cette précision mérite attention.

En matière de sécurité sociale, l’article R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale organise une procédure spécifique de mise en état. Le président de la formation de jugement dispose des pouvoirs du juge de la mise en état pour préparer l’affaire en vue de l’audience. Parmi ces pouvoirs figure celui de constater l’extinction de l’instance.

Cette compétence permet d’éviter le renvoi devant la formation collégiale pour une simple constatation de désistement. L’économie procédurale ainsi réalisée profite tant aux parties qu’à l’institution judiciaire. La décision peut être rendue rapidement, sans audience de plaidoirie, sur la base des seules observations écrites des parties.

II. Les effets du désistement d’instance : extinction et charge des dépens

Le désistement emporte extinction de l’instance avec des conséquences limitées sur le fond (A), tout en imposant une répartition des frais conforme au droit commun (B).

A. L’extinction de l’instance sans atteinte au droit d’action

L’ordonnance « constate le désistement d’instance et l’extinction de l’instance ». Cette formulation rappelle la distinction fondamentale entre désistement d’instance et désistement d’action. Seul le premier est ici en cause.

Le désistement d’instance met fin à la procédure en cours sans préjudicier au droit substantiel du demandeur. Ce dernier conserve la faculté d’introduire une nouvelle instance, sous réserve de la prescription de son action. Cette solution protège les droits du requérant qui peut avoir renoncé à poursuivre la procédure pour des motifs divers : règlement amiable du litige, évolution de sa situation personnelle ou réévaluation de ses chances de succès.

En matière de sécurité sociale, cette distinction revêt une importance particulière. Les délais de recours contre les décisions des organismes sont brefs. Le requérant qui se désiste doit donc mesurer les conséquences de son acte au regard de la prescription de son action.

L’ordonnance ne mentionne pas l’acceptation du désistement par le défendeur. Cette absence s’explique par l’application de l’article 395 du code de procédure civile qui n’exige l’acceptation que si le défendeur a présenté une demande reconventionnelle. En l’espèce, aucune demande reconventionnelle n’apparaît dans la décision, ce qui rendait l’acceptation superflue.

B. L’imputation des dépens à la partie qui se désiste

L’ordonnance laisse « les éventuels dépens de l’instance à la charge » de la requérante, « en l’absence d’allégation de convention contraire et licite », conformément à l’article 399 du code de procédure civile.

Cette disposition établit une présomption simple selon laquelle la partie qui se désiste supporte les frais de l’instance. Le fondement de cette règle réside dans l’idée que celui qui renonce à son action doit assumer les conséquences financières de la procédure qu’il a initiée. Les parties peuvent toutefois convenir d’une répartition différente des dépens.

La formule « éventuels dépens » employée par le tribunal traduit une réalité du contentieux social. La procédure devant le pôle social est dispensée du ministère d’avocat. Les parties peuvent se défendre seules, ce qui limite considérablement les frais exposés. De surcroît, les organismes de sécurité sociale ne perçoivent généralement pas de dépens lorsqu’ils sont défendeurs.

L’ordonnance précise enfin les voies de recours ouvertes à l’encontre de cette décision. L’appel peut être formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification. Ce délai, plus court que le délai de droit commun d’un mois, s’explique par la nature de la décision qui ne tranche aucune contestation au fond. La mention des modalités pratiques de l’appel témoigne du souci pédagogique du juge envers des justiciables souvent profanes en matière procédurale.

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Hassan KOHEN
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