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Par un jugement du 17 juin 2025, le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Toulouse s’est prononcé sur l’acquisition d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de bail d’habitation et sur les conséquences pécuniaires de la résiliation.
Une société civile de placement immobilier avait consenti, le 1er juin 2021, un bail portant sur un logement et un emplacement de stationnement. Une société par actions simplifiée est devenue propriétaire des biens loués selon acte de vente du 28 septembre 2023, entrant en jouissance à cette date. Face aux impayés de la locataire, le nouveau bailleur lui a fait signifier, le 28 février 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire. Ce commandement mentionnait un délai de six semaines pour apurer la dette, alors que la clause contractuelle prévoyait un délai de deux mois. Aucun règlement n’est intervenu dans ce délai. Le bailleur a saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, puis a fait assigner la locataire devant le juge des contentieux de la protection.
Le tribunal de première instance devait se prononcer sur plusieurs questions. Il lui appartenait de vérifier la recevabilité de l’action au regard des formalités préalables imposées par la loi. Il devait déterminer si le nouveau propriétaire pouvait réclamer l’arriéré constitué avant son entrée en jouissance. Il devait apprécier les effets du délai erroné mentionné dans le commandement de payer sur l’acquisition de la clause résolutoire.
Le tribunal a déclaré l’action recevable, constaté que les conditions de la clause résolutoire étaient réunies au 29 avril 2024, ordonné l’expulsion de la locataire et l’a condamnée au paiement de la somme de 13 888,09 euros, après déduction de l’arriéré antérieur à l’entrée en jouissance du nouveau bailleur.
Cette décision présente un intérêt certain quant au régime de la clause résolutoire dans les baux d’habitation. Elle invite à examiner les conditions d’acquisition de cette clause, notamment au regard de la titularité de la créance et du délai de régularisation (I), avant d’analyser les effets de la résiliation sur les obligations respectives des parties (II).
I. Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire
Le tribunal a procédé à un examen rigoureux des conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire, tant sur le plan de la titularité de la créance réclamée (A) que sur celui du délai laissé au locataire pour régulariser sa situation (B).
A. L’inopposabilité de l’arriéré antérieur à l’entrée en jouissance du nouveau bailleur
Le jugement opère une distinction entre les créances nées avant et après le transfert de propriété. Le tribunal relève que le commandement de payer comprenait « un arriéré de 3 158,29 euros, constitué à la date du 28 septembre 2023 ». Il juge que « la SAS PHH1 ne justifie d’aucun droit » sur cette somme, « dans la mesure où elle n’a eu la jouissance des lieux et le droit de percevoir les loyers qu’à compter du 28 septembre 2023 et où il n’est pas justifié d’une convention entre l’ancien propriétaire et le nouveau propriétaire quant à la cession de cet arriéré locatif ».
Cette solution s’inscrit dans la continuité du droit commun de la cession de contrat. Le transfert de propriété d’un bien loué emporte certes transmission des droits et obligations du bailleur pour l’avenir, conformément aux articles 1743 et suivants du Code civil. Les créances de loyers échues avant la vente demeurent la propriété du vendeur, sauf stipulation contraire. Le nouveau propriétaire ne peut donc fonder un commandement de payer sur des sommes dont il n’est pas créancier.
La rigueur du tribunal sur ce point mérite approbation. L’exigence d’une convention de cession de créance répond à la nécessité de protéger le locataire, qui doit savoir à quel créancier il est redevable. Cette solution présente une portée pratique considérable pour les acquisitions de biens loués avec arriérés locatifs préexistants.
B. La rectification du délai de régularisation mentionné au commandement
Le tribunal relève que « c’est à tort que ce commandement de payer a mentionné un délai de six semaines pour apurer la dette, alors que la clause résolutoire du contrat principal mentionne deux mois ». Il ajoute que « la loi du 27 juillet 2023 ne déroge pas aux règles civiles de l’application de la loi dans le temps ».
L’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction applicable aux baux conclus avant le 29 juillet 2023, prévoit que la clause résolutoire ne produit effet que « deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». La loi du 27 juillet 2023 a réduit ce délai à six semaines pour les baux conclus à compter de son entrée en vigueur. Le bail litigieux ayant été conclu le 1er juin 2021, le délai de deux mois demeurait applicable.
Le tribunal adopte une position favorable au locataire en vérifiant si la dette a été réglée dans le délai de deux mois, nonobstant la mention erronée du commandement. Cette approche témoigne du contrôle exercé par le juge sur les conditions d’acquisition de la clause résolutoire. La mention d’un délai plus court que celui prévu par la loi ne saurait priver le locataire du temps qui lui est légalement imparti pour régulariser sa situation.
II. Les effets de la résiliation du bail
Une fois la clause résolutoire acquise, le tribunal tire les conséquences de la résiliation tant sur l’occupation des lieux (A) que sur les obligations pécuniaires de l’ancienne locataire (B).
A. L’expulsion ordonnée sans astreinte
Le tribunal constate que « les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 29 avril 2024 ». En l’absence de demande de délais de paiement suspensifs, la résiliation est intervenue à cette date et la locataire est devenue « occupante sans droit ni titre ».
L’expulsion est ordonnée dans les conditions de droit commun, à défaut de libération volontaire des lieux dans les deux mois suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux. Le tribunal rejette la demande d’astreinte, qu’il estime « insuffisamment justifiée tant dans son principe que dans son montant ».
Cette décision de rejet de l’astreinte illustre le pouvoir d’appréciation du juge. L’astreinte constitue une mesure de contrainte dont le prononcé n’est pas automatique. Le bailleur doit démontrer que les voies d’exécution ordinaires seraient insuffisantes à garantir l’effectivité de la décision. En l’espèce, l’absence de la locataire à l’audience n’a pas permis d’établir qu’elle opposerait une résistance particulière à son départ.
S’agissant du sort des meubles, le tribunal juge qu’« il n’y a lieu à statuer » sur cette question, « à ce stade hypothétique et déjà réglé par les dispositions du code des procédures civiles d’exécution ». Cette motivation rappelle utilement que les articles L. 433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution organisent le sort des meubles sans qu’une autorisation judiciaire préalable soit nécessaire.
B. La fixation de la créance locative et de l’indemnité d’occupation
Le tribunal condamne la locataire au paiement de la somme de 13 888,09 euros, correspondant à l’arriéré constitué depuis l’entrée en jouissance du nouveau bailleur jusqu’à la mensualité de mars 2025. Cette somme porte intérêts au taux légal à compter du commandement de payer pour la fraction alors exigible, et du jugement pour le surplus, conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil. La capitalisation des intérêts est refusée.
Pour la période postérieure, le tribunal fixe une indemnité d’occupation mensuelle égale au « montant résultant du loyer et des charges tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi ». Cette solution correspond à la jurisprudence constante selon laquelle l’indemnité d’occupation due par l’occupant sans titre équivaut à la valeur locative du bien, le loyer contractuel constituant un indice pertinent de cette valeur.
Le tribunal refuse d’autoriser le bailleur à conserver le dépôt de garantie, rappelant que celui-ci « ne pourra être conservé que si Madame [la locataire] reste redevable d’un arriéré locatif à sa sortie des lieux, en application de l’article 22 de la loi du 06 juillet 1989 ». Cette précision rappelle que le dépôt de garantie a vocation à garantir l’exécution des obligations locatives et non à constituer un acompte sur la créance du bailleur avant l’état des lieux de sortie.