- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par ordonnance de référé du 17 juin 2025, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse a statué sur un litige opposant un bailleur social à son locataire défaillant. Cette décision illustre les contours du pouvoir juridictionnel en matière de référé locatif.
Un contrat de bail portant sur un appartement et une place de stationnement avait été conclu le 6 juillet 2020 moyennant un loyer mensuel de 304,77 euros et une provision sur charges de 91,35 euros. Face à l’accumulation d’impayés, le bailleur a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire le 3 septembre 2024. La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été saisie le lendemain.
Le bailleur a ensuite assigné le locataire en référé par acte du 29 novembre 2024, sollicitant le constat de l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion et le paiement des arriérés locatifs. Le locataire a quitté les lieux le 18 février 2025. A l’audience du 29 avril 2025, le bailleur a actualisé sa demande et réclamé en outre le paiement de dégradations locatives pour un montant de 9.176,96 euros.
La question principale soumise au juge des référés était de déterminer si une demande en paiement de réparations locatives, non mentionnée dans l’assignation initiale et formulée pour la première fois à l’audience sous forme de demande additionnelle, pouvait prospérer en référé alors que le défendeur, non comparant, n’avait pu se défendre sur ce point.
Le juge a condamné le locataire au paiement provisionnel de l’arriéré locatif de 2.838,86 euros mais a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande relative aux dégradations locatives, au motif que cette obligation ne pouvait être considérée comme non sérieusement contestable.
Cette décision mérite examen tant au regard du traitement de la demande principale relative à l’arriéré locatif (I) que du rejet de la demande additionnelle au titre des dégradations (II).
I. La condamnation provisionnelle au paiement de l’arriéré locatif
Le juge accueille la demande en paiement des loyers impayés tout en procédant à une vérification d’office de la dette (A), ce qui conduit à une condamnation provisionnelle assortie de garanties procédurales (B).
A. L’exercice du pouvoir de vérification d’office de la dette locative
Le juge fonde expressément sa compétence sur les articles 1728 du code civil et 7 de la loi du 6 juillet 1989 qui imposent au locataire de « payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ». Il invoque également l’article 24 V de cette même loi qui dispose que « le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative ».
Cette vérification d’office constitue une prérogative essentielle du juge en matière de contentieux locatif. Elle lui permet d’examiner la réalité et le quantum de la créance alléguée indépendamment de toute contestation du débiteur. En l’espèce, le juge constate que le bailleur « produit un décompte du 29 avril 2025 démontrant que [le locataire] reste devoir la somme de 2.838,86 euros, après soustraction des frais de procédure de 149,26 euros et des frais de réparations locatives de 9.176,96 euros ».
Le juge prend soin de distinguer les postes de créance. Il écarte du décompte les frais de procédure et les réparations locatives pour ne retenir que l’arriéré de loyers et charges stricto sensu. Cette méthode témoigne d’une application rigoureuse de son pouvoir de vérification.
B. Une condamnation provisionnelle respectueuse des exigences du contradictoire
La condamnation intervient « à titre provisionnel », ce qui correspond à la nature même du référé-provision prévu par l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Le juge des référés ne peut en effet trancher le fond du litige mais seulement allouer une provision lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
En l’espèce, le défendeur n’a pas comparu. Le juge applique donc l’article 472 du code de procédure civile selon lequel « en l’absence du défendeur, le Tribunal ne fait droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée ». Cette disposition impose au juge un contrôle renforcé en cas de défaut du défendeur.
Le juge relève que le locataire « n’apporte aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette telle qu’arrêtée ». Cette formulation pourrait sembler tautologique puisque le défendeur n’a précisément pas comparu. Elle traduit cependant l’absence au dossier de tout élément susceptible de créer un doute sur l’existence ou le montant de la créance. La condamnation est assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2024, date de l’assignation, conformément à l’article 1231-6 du code civil.
II. Le rejet de la demande additionnelle au titre des dégradations locatives
Le juge refuse de statuer sur la demande relative aux réparations locatives en raison de son caractère tardif (A) et de l’existence d’une contestation sérieuse liée au défaut de contradictoire (B).
A. La qualification de demande additionnelle et ses conséquences
Le juge qualifie la demande au titre des dégradations locatives de « demande additionnelle dans la mesure où elle n’apparaît pas dans l’assignation ». Cette qualification emporte des conséquences procédurales importantes. L’article 65 du code de procédure civile définit les demandes additionnelles comme celles par lesquelles une partie modifie ses prétentions antérieures.
En procédure de référé, la recevabilité des demandes additionnelles n’est pas exclue par principe. L’article 70 du code de procédure civile subordonne leur recevabilité à l’existence d’un lien suffisant avec les prétentions originaires. En l’espèce, le lien entre l’arriéré locatif et les dégradations locatives existe puisque les deux créances naissent du même contrat de bail.
Le juge ne prononce pas l’irrecevabilité de la demande mais dit « n’y avoir lieu à référé ». Cette solution procède d’un raisonnement distinct qui tient à l’appréciation du caractère sérieusement contestable de l’obligation.
B. L’existence d’une contestation sérieuse tirée de l’atteinte au contradictoire
Le juge développe une motivation circonstanciée pour justifier son refus de faire droit à la demande relative aux dégradations. Il relève trois éléments cumulatifs : la demande n’apparaissait pas dans l’assignation délivrée au locataire, le bailleur ne justifie pas avoir adressé cette demande au locataire, et ce dernier « n’a pas pu s’exprimer sur ces dégradations que lui impute le bailleur ».
Cette motivation est remarquable en ce qu’elle érige le respect du contradictoire en critère d’appréciation du caractère sérieusement contestable de l’obligation. Le juge rappelle les conditions du référé-provision posées par l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Il conclut que « l’obligation pour laquelle le demandeur sollicite, à titre de provision, la condamnation du défendeur au titre des dégradations locatives, ne saurait être considérée comme non sérieusement contestable ».
Cette solution présente une portée qui dépasse le cas d’espèce. Elle affirme qu’une créance, fût-elle fondée en son principe, devient sérieusement contestable dès lors que le débiteur n’a pas été mis en mesure de s’en défendre. Le juge des référés refuse ainsi de se substituer au juge du fond pour trancher une prétention dont le bien-fondé suppose un débat contradictoire que la procédure n’a pas permis. Cette position protectrice des droits de la défense s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence qui exige, pour l’allocation d’une provision, une obligation dont l’existence ne soit affectée d’aucun doute raisonnable.