Tribunal judiciaire de Toulouse, le 17 juin 2025, n°25/00245

L’ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Toulouse le 17 juin 2025 illustre le mécanisme classique de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation. Cette décision, qui constate la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et ordonne l’expulsion du locataire défaillant, s’inscrit dans le cadre procédural strict défini par la loi du 6 juillet 1989.

En l’espèce, un bailleur social avait consenti à un locataire, par contrat électronique du 29 juin 2022, la location d’un appartement et d’un parking situés dans la commune de Colomiers pour un loyer mensuel total de 448,50 euros charges comprises. Face à l’accumulation d’impayés, le bailleur a fait signifier le 30 septembre 2024 un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 2.059,04 euros, assorti d’une sommation de justifier d’une assurance. Ce commandement étant demeuré infructueux, le bailleur a fait assigner le locataire devant le juge des contentieux de la protection statuant en référé par acte du 19 décembre 2024, sollicitant le constat de l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion et la condamnation au paiement des arriérés actualisés à 5.885,57 euros.

La procédure présentait une particularité tenant à la signification selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, le locataire n’ayant pu être touché à son adresse. Ce dernier n’a comparu ni en personne ni par représentant à l’audience du 29 avril 2025.

La question posée au juge des référés était de déterminer si les conditions légales et contractuelles de la clause résolutoire se trouvaient réunies et, dans l’affirmative, d’en tirer les conséquences quant à l’expulsion et à la créance locative.

Le tribunal constate que « les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 1er décembre 2024 » et ordonne l’expulsion du locataire devenu occupant sans droit ni titre, tout en le condamnant au paiement d’une provision de 5.346,58 euros et d’une indemnité d’occupation mensuelle.

Cette décision appelle un examen portant d’abord sur le contrôle rigoureux des conditions de la résiliation (I), puis sur les conséquences patrimoniales tirées de l’occupation sans titre (II).

I. Le contrôle rigoureux des conditions de la résiliation de plein droit

Le juge des référés a procédé à une vérification méthodique tant de la recevabilité de l’action (A) que du mécanisme de la clause résolutoire (B).

A. La vérification préalable des formalités de prévention

La loi du 6 juillet 1989, modifiée à plusieurs reprises pour renforcer la protection des locataires menacés d’expulsion, impose au bailleur le respect de formalités substantielles avant toute audience. L’ordonnance relève que « la S.A PROMOLOGIS justifie avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives par la voie électronique le 1er octobre 2024, soit deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation ».

Cette saisine de la CCAPEX constitue depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 une condition de recevabilité de l’action. Le tribunal vérifie également la notification de l’assignation à la préfecture effectuée le 20 décembre 2024, « soit plus de six semaines avant l’audience, conformément à l’article 24 III de la loi n°89-462 ». Ces formalités visent à permettre l’intervention des services sociaux et à prévenir les expulsions évitables. Leur respect scrupuleux conditionne la recevabilité de l’action, ce que le juge constate expressément avant d’examiner le fond.

B. Le constat de l’acquisition de la clause résolutoire

Le tribunal rappelle les termes de l’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 selon lequel la clause résolutoire « ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». L’ordonnance procède à une vérification minutieuse de chaque élément : existence de la clause au contrat, signification régulière du commandement le 30 septembre 2024, écoulement du délai de deux mois et absence de paiement.

Le juge constate que « Monsieur [Y] [L] [T] n’a effectué aucun règlement dans le délai de deux mois ». Cette formulation souligne le caractère objectif du mécanisme : la clause résolutoire opère de plein droit dès lors que ses conditions sont réunies, sans que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de la résiliation. La date du 1er décembre 2024 marque ainsi le moment précis où le locataire devient « occupant sans droit ni titre ».

La particularité de la signification selon l’article 659 du code de procédure civile, en raison de l’impossibilité de toucher le destinataire, n’affecte pas la validité du commandement ni de l’assignation. Le tribunal a pris soin de vérifier la réception des accusés de réception des procès-verbaux de recherches infructueuses, démontrant sa vigilance quant au respect des droits de la défense malgré l’absence du défendeur.

II. Les conséquences patrimoniales de l’occupation sans titre

L’ordonnance tire les conséquences de la résiliation tant sur le plan de la dette locative (A) que sur celui de l’indemnisation future du bailleur (B).

A. La condamnation provisionnelle au titre de l’arriéré locatif

Le juge des référés exerce un contrôle effectif sur le montant de la créance, conformément à l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 qui l’autorise à « d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative ». L’ordonnance retient une somme de 5.346,58 euros, inférieure aux 5.885,57 euros demandés, « après soustraction des frais de poursuite (538,99 euros) ».

Cette déduction traduit la distinction entre la dette locative proprement dite et les frais de recouvrement qui ne peuvent être mis à la charge du locataire qu’au titre des dépens. Le tribunal applique les règles relatives aux intérêts moratoires en distinguant deux points de départ : le 30 septembre 2024, date du commandement, pour la somme de 2.059,04 euros alors exigible, et la date de l’ordonnance pour le surplus. Cette ventilation respecte les articles 1231-6 et 1231-7 du code civil.

Le caractère provisionnel de la condamnation, inhérent à la procédure de référé, n’ôte rien à son efficacité pratique dès lors que l’ordonnance est exécutoire de plein droit.

B. L’indemnité d’occupation et le régime des dépens

L’ordonnance fixe une indemnité d’occupation mensuelle « au montant du loyer et des charges, calculés tels que si le contrat s’était poursuivi ». Cette formulation, conforme à la jurisprudence établie, permet au bailleur d’obtenir une compensation équivalente à ce qu’il aurait perçu en exécution normale du bail, sans enrichissement indu.

Le tribunal fait preuve de rigueur dans le traitement des dépens. Il accueille la demande concernant les frais de commandement, de notification à la CCAPEX et d’assignation, mais rejette celle relative aux « actes signifiés dans le cadre de mesures conservatoires, lesquels restent hypothétiques à ce stade ». Cette distinction entre frais exposés et frais éventuels témoigne d’une application stricte du principe selon lequel seuls les dépens réellement engagés peuvent être recouvrés.

La condamnation à 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, conforme à la demande, apparaît mesurée au regard des diligences accomplies par le bailleur.

Cette ordonnance, rendue par défaut, illustre le fonctionnement ordinaire du contentieux locatif devant le juge des référés. Elle confirme que le respect scrupuleux des formalités préalables et la preuve de la défaillance du locataire suffisent à obtenir le constat de la résiliation et l’expulsion. La portée de cette décision demeure celle d’une espèce, le locataire conservant la faculté de former opposition ou de solliciter des délais devant le juge de l’exécution lors de la mise en œuvre de l’expulsion.

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Hassan KOHEN
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