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Par un jugement rendu le 17 juin 2025, le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Toulouse s’est prononcé sur l’acquisition d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de bail d’habitation et sur ses conséquences.
Des bailleurs avaient consenti, par contrat du 17 août 2023, un bail portant sur un appartement à usage d’habitation moyennant un loyer mensuel de 820 euros. Face aux impayés du locataire, les bailleurs lui ont fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire le 19 juin 2024, puis un commandement de justifier d’une assurance habitation le 5 novembre 2024. Par assignation du 30 janvier 2025, notifiée à la préfecture le 5 février suivant, les bailleurs ont saisi le juge aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion du locataire et obtenir sa condamnation au paiement de l’arriéré locatif actualisé à 13.317,65 euros.
Le locataire, bien que régulièrement convoqué par acte remis à l’étude du commissaire de justice, n’a comparu ni en personne ni par représentant. Le juge a donc statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 472 du code de procédure civile qui lui impose de ne faire droit aux demandes que s’il les estime recevables, régulières et bien fondées.
La question posée au juge était double. Il lui appartenait d’abord de déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, compte tenu de la discordance entre le délai légal de six semaines prévu par l’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 et le délai conventionnel de deux mois stipulé au bail. Il devait ensuite statuer sur le montant de la créance locative et ses accessoires.
Le juge a constaté que « la clause résolutoire ainsi que le commandement de payer indiquent un délai de 2 mois pour régulariser la dette et non six semaines » et a décidé que « ce délai plus favorable au locataire sera retenu en conséquence ». Relevant qu’aucune somme n’avait été réglée dans ce délai, il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 20 août 2024, ordonné l’expulsion et condamné le locataire au paiement de l’intégralité des sommes réclamées.
Cette décision mérite examen tant au regard du mécanisme de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation (I) que des conséquences tirées de son acquisition (II).
I. Le constat de l’acquisition de la clause résolutoire
Le juge a dû apprécier les conditions légales d’acquisition de la clause résolutoire (A) avant de trancher la question du délai applicable en présence d’une stipulation contractuelle plus favorable (B).
A. Les conditions légales d’acquisition
L’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ». Cette clause, désormais obligatoire, « ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux ».
Le législateur a ainsi encadré strictement le jeu de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation. Le commandement de payer constitue une formalité substantielle dont l’absence ou l’irrégularité empêche l’acquisition de la clause. En l’espèce, le juge a relevé que « le bail conclu le 17 août 2023 contient une clause résolutoire » et qu’« un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 19 juin 2024 pour la somme en principal de 5.117,65 euros ».
La notification préalable à la préfecture, exigée par l’article 24 III de la même loi, conditionne quant à elle la recevabilité de l’action. Le juge a constaté qu’« une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de Haute-Garonne par la voie électronique le 5 février 2025, soit plus de six semaines avant l’audience ». Cette formalité vise à permettre aux services sociaux d’intervenir auprès du locataire défaillant.
B. L’application du délai conventionnel plus favorable
La particularité de l’espèce résidait dans la discordance entre le délai légal de six semaines et le délai de deux mois stipulé tant dans la clause résolutoire que dans le commandement de payer. Le juge a tranché en faveur de l’application du délai conventionnel au motif qu’il était « plus favorable au locataire ».
Cette solution s’inscrit dans la logique protectrice de la loi du 6 juillet 1989 dont les dispositions sont d’ordre public. L’article 2 de cette loi précise que ses stipulations « sont applicables aux contrats de location de locaux à usage d’habitation principale » et que les clauses contraires aux dispositions protectrices du locataire sont réputées non écrites. A contrario, rien n’interdit aux parties de prévoir des stipulations plus favorables au preneur.
Le juge a donc calculé le délai à compter de la signification du commandement le 19 juin 2024, augmenté de deux mois, pour fixer la date d’acquisition de la clause résolutoire au 20 août 2024. Cette date constitue le point de départ de l’occupation sans droit ni titre et détermine le régime applicable aux sommes dues par l’occupant.
II. Les conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire
L’acquisition de la clause résolutoire emporte des effets tant sur la situation locative que sur les obligations financières du locataire devenu occupant sans titre (A), le juge disposant toutefois de prérogatives propres dans l’appréciation de la dette (B).
A. La résiliation et l’expulsion du locataire défaillant
Le constat de l’acquisition de la clause résolutoire entraîne de plein droit la résiliation du bail. Le juge a relevé qu’« en l’absence de demande de délais de paiement suspensifs de la clause résolutoire, la résiliation est intervenue le 20 août 2024 ». Cette précision n’est pas anodine. L’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 permet en effet au juge d’accorder des délais de paiement pouvant suspendre les effets de la clause résolutoire.
En l’espèce, le locataire n’ayant pas comparu, aucune demande de délais n’a été formée. Le juge ne pouvait les accorder d’office, conformément au principe dispositif. Il a donc constaté que le locataire était « depuis occupant sans droit ni titre » et ordonné son expulsion « au besoin avec assistance d’un serrurier et de la force publique ».
Le dispositif du jugement précise les modalités d’exécution de cette mesure. Le locataire devra libérer les lieux et restituer les clés. A défaut, les bailleurs pourront « deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ». Ce délai de deux mois résulte de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution. Le jugement étant exécutoire de plein droit à titre provisoire, les bailleurs n’auront pas à attendre l’expiration des délais de recours.
B. Les condamnations pécuniaires et le pouvoir de vérification du juge
Le juge a condamné le locataire au paiement de la somme de 13.317,65 euros représentant l’arriéré locatif arrêté au 17 mars 2025. Il a rappelé que « l’article 24 V de la loi du 06 juillet 1989 prévoit que le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative ».
Ce pouvoir de vérification d’office constitue une prérogative importante du juge en matière de bail d’habitation. Il peut contrôler la réalité et le montant de la dette alléguée par le bailleur, même en l’absence de contestation du locataire. En l’espèce, le juge a constaté que les bailleurs produisaient « un décompte du 17 mars 2025 » justifiant leur créance et que le locataire « n’apporte aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette ».
La condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation illustre la transformation du rapport juridique après l’acquisition de la clause résolutoire. Le locataire devenu occupant sans titre ne doit plus un loyer mais une indemnité compensant son occupation des lieux. Le juge a fixé cette indemnité « au montant du loyer et des charges, calculés tels que si le contrat s’était poursuivi ». Cette fixation au montant du loyer contractuel est usuelle lorsque le bailleur ne démontre pas un préjudice supérieur.