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La soumission à un régime de soins psychiatriques sans consentement constitue l’une des atteintes les plus graves que le droit puisse porter à la liberté individuelle. La décision rendue le 20 juin 2025 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse illustre le contrôle juridictionnel exercé sur ces mesures administratives, en autorisant le maintien d’une hospitalisation complète sous contrainte.
Un homme a été admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du préfet de la Haute-Garonne le 28 juillet 2024. Cette admission faisait suite à des menaces de mort proférées contre son voisinage, ayant nécessité l’intervention des forces de l’ordre. Par la suite, l’intéressé a bénéficié de plusieurs programmes de soins, le dernier datant du 6 juin 2025. Un certificat médical du 12 juin 2025 a toutefois préconisé sa réintégration en hospitalisation complète, le médecin psychiatre attestant d’un comportement menaçant et peu coopérant ainsi qu’un état de désorganisation important. Le préfet a pris un arrêté de réintégration le même jour. Deux tentatives de réintégration ont échoué, le patient étant en fugue de son domicile.
Le préfet de la Haute-Garonne a saisi le juge des libertés et de la détention le 17 juin 2025 aux fins d’autorisation du maintien de l’hospitalisation complète. L’intéressé, absent car en fugue, était représenté par un avocat.
La question posée au juge était de déterminer si les conditions légales justifiant le maintien d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous forme d’hospitalisation complète étaient réunies, alors même que le patient n’avait pu être effectivement réintégré dans l’établissement de soins.
Le juge des libertés et de la détention a constaté la régularité de la procédure et autorisé le maintien de l’hospitalisation complète sous contrainte. Il a retenu que « les troubles qui nécessitent une surveillance constante et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public » justifiaient cette mesure.
Cette décision invite à examiner successivement les conditions de fond du maintien en hospitalisation complète (I), puis les modalités procédurales du contrôle juridictionnel (II).
I. Les conditions substantielles du maintien en hospitalisation contrainte
A. La caractérisation médicale de la nécessité des soins
Le législateur a subordonné le maintien d’une hospitalisation sans consentement à l’existence de troubles mentaux rendant impossible le consentement et nécessitant des soins immédiats assortis d’une surveillance constante. Le juge toulousain s’appuie sur plusieurs éléments médicaux pour caractériser cette condition.
Le certificat médical du 12 juin 2025 constitue la pièce maîtresse de cette appréciation. Le psychiatre y atteste que « dès sa sortie pour mise en place du programme de soins, il s’est montré menaçant et peu coopérant avec l’équipe de l’hospitalisation à domicile ». Cette constatation révèle l’échec des soins ambulatoires et la nécessité d’un cadre plus contraignant. Le praticien relève également « un état de désorganisation important nécessitant une réintégration en service hospitalier pour ajustement thérapeutique et stabilisation clinique ».
Le juge rappelle les dispositions de l’article L. 3211-11 du code de la santé publique, qui permettent au psychiatre de proposer une modification de la forme de prise en charge « pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne ». Cette référence textuelle légitime le passage d’un programme de soins à une hospitalisation complète. La décision valide ainsi la réactivité du dispositif légal face à une dégradation de l’état du patient.
L’avis motivé du 17 juin 2025 vient conforter cette analyse en relevant que l’intéressé « n’a plus de traitement somatique et psychiatrique ». L’interruption des soins, conjuguée à la fugue du patient, caractérise une situation de rupture thérapeutique justifiant pleinement la mesure.
B. L’exigence d’un risque pour l’ordre public ou la sûreté des personnes
Le régime des soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État obéit à une logique distincte de celle applicable aux admissions à la demande d’un tiers. L’article L. 3213-1 du code de la santé publique impose que les troubles mentaux « nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ».
Le juge des libertés et de la détention reprend cette formulation légale dans sa motivation. Il retient que les conditions sont réunies « au vu des troubles qui nécessitent une surveillance constante et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ». Cette motivation, pour lapidaire qu’elle soit, se rattache aux faits initiaux de l’admission : des menaces de mort proférées contre le voisinage ayant nécessité l’intervention des forces de l’ordre.
Le comportement ultérieur de l’intéressé conforte cette appréciation. Les menaces à l’égard de l’équipe d’hospitalisation à domicile attestent de la persistance d’une dangerosité. La fugue elle-même peut être interprétée comme un refus de soins susceptible d’aggraver le trouble et, par voie de conséquence, le risque pour autrui.
Toutefois, cette motivation soulève une interrogation. Le juge ne procède pas à une appréciation actualisée et circonstanciée du risque pour l’ordre public. Il se borne à reprendre les termes légaux sans les rattacher explicitement aux faits récents. Cette économie de motivation, si elle est fréquente en la matière, n’en demeure pas moins critiquable au regard de l’exigence d’un contrôle effectif de la privation de liberté.
II. Le contrôle juridictionnel de la mesure privative de liberté
A. La régularité formelle de la procédure administrative
Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle de légalité externe sur la mesure préfectorale. La décision énonce expressément que « la procédure est régulière », sans toutefois détailler les vérifications opérées.
L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique impose au juge de statuer dans un délai de douze jours à compter de l’admission en hospitalisation complète, puis à intervalles réguliers. En l’espèce, l’arrêté de réintégration date du 12 juin 2025 et la décision judiciaire du 20 juin 2025. Le délai de saisine apparaît donc respecté.
Le juge vérifie également la production des certificats médicaux requis. L’article L. 3211-12-1 exige la transmission d’un avis motivé d’un psychiatre de l’établissement. L’ordonnance mentionne expressément l’avis du 17 juin 2025, ce qui satisfait à cette exigence. De même, le certificat de situation du 12 juin 2025 répond aux prescriptions de l’article L. 3211-11.
La décision relève une particularité notable. Le certificat médical proposant la réintégration a été établi sans examen physique du patient, celui-ci étant en fugue. L’article L. 3211-11 prévoit cette hypothèse : « Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne. » Le juge valide implicitement cette modalité en ne relevant aucune irrégularité. Cette solution pragmatique permet de ne pas paralyser le dispositif face à un patient se soustrayant aux soins.
B. Les garanties procédurales offertes à la personne hospitalisée
La loi du 5 juillet 2011 a renforcé les droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement. Le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention constitue la garantie fondamentale de ce dispositif.
L’intéressé, bien qu’absent de l’audience en raison de sa fugue, était représenté par un avocat. Cette représentation obligatoire, instituée par l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique, assure le respect du contradictoire même lorsque le patient ne peut ou ne veut comparaître. L’avocat peut ainsi contester la régularité de la procédure et le bien-fondé de la mesure.
L’audience s’est tenue « à l’hôpital conformément à la convention signée avec l’A.R.S. ». Cette délocalisation vise à faciliter la présentation du patient devant le juge. En l’occurrence, cette facilité s’est avérée sans objet puisque l’intéressé était en fugue.
La décision mentionne les voies de recours. L’appel peut être formé dans un délai de dix jours par « déclaration motivée transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel ». Cette indication garantit l’effectivité du droit au recours.
Néanmoins, la situation de fugue soulève une difficulté pratique. Le patient, se soustrayant à l’hospitalisation, n’a pu être entendu par le juge. L’article L. 3211-12-2 prévoit certes que le juge peut statuer sans audition si celle-ci est de nature à porter atteinte à la santé du patient, mais cette hypothèse vise les cas d’impossibilité médicale et non la fugue. La décision ne motive pas expressément l’absence d’audition, se bornant à constater la représentation par avocat. Cette lacune pourrait fragiliser la décision en appel, même si la jurisprudence admet généralement que la représentation par avocat pallie l’absence du patient.
La portée de cette décision réside dans la validation d’un maintien d’hospitalisation contrainte malgré l’absence physique du patient dans l’établissement de soins. Le juge autorise ainsi une mesure dont l’exécution effective reste subordonnée au retour du patient, volontaire ou contraint. Cette solution, conforme à la lettre des textes, interroge sur l’efficacité réelle du contrôle juridictionnel lorsque le patient se soustrait aux soins. Elle confirme cependant la primauté de la protection de l’ordre public sur la liberté individuelle en matière de soins psychiatriques contraints.