Tribunal judiciaire de Toulouse, le 20 juin 2025, n°25/01413

La présente ordonnance, rendue le 20 juin 2025 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé, illustre le mécanisme procédural du désistement d’instance. Une demanderesse avait introduit une action par assignation du 7 avril 2025 à l’encontre de deux défendeurs, époux domiciliés à la même adresse. La nature exacte du litige initial n’apparaît pas dans la décision, seul le cadre procédural étant exposé.

À l’audience du 20 juin 2025, la demanderesse, représentée par son conseil, a déclaré expressément se désister de sa demande. Les défendeurs, non comparants ni représentés, n’ont formulé aucune demande reconventionnelle ni fin de non-recevoir. Le juge a constaté que leur absence valait acceptation implicite du désistement.

La question posée au juge des référés était celle de savoir si le désistement d’instance exprimé par le demandeur pouvait produire effet en l’absence des défendeurs et sans acceptation formelle de leur part.

Le tribunal judiciaire de Toulouse a répondu par l’affirmative. Se fondant sur les articles 385, 394 et 399 du code de procédure civile, il a constaté que « les défendeurs ont accepté implicitement par leur absence ce désistement » et qu’ils n’avaient présenté « aucune demande reconventionnelle ou fin de non recevoir ». Il a ainsi constaté le désistement d’instance emportant « extinction de l’instance à titre principal, et le dessaisissement de la juridiction », laissant les dépens à la charge de la demanderesse.

Cette ordonnance invite à examiner d’abord les conditions de validité du désistement d’instance (I), puis les effets attachés à sa constatation judiciaire (II).

I. Les conditions de validité du désistement d’instance

Le désistement d’instance suppose la réunion de conditions tenant à la volonté du demandeur (A) et à l’attitude du défendeur (B).

A. L’expression non équivoque de la volonté de se désister

L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance. Ce désistement peut être exprès ou implicite. L’ordonnance commentée relève que la demanderesse, « représentée par son Conseil, a déclaré expressément se désister de sa demande ». Cette déclaration expresse constitue la forme la plus certaine du désistement, ne laissant place à aucune ambiguïté sur la volonté de son auteur.

Le caractère exprès du désistement présente un intérêt pratique considérable. Il dispense le juge de toute recherche d’une volonté tacite qui pourrait prêter à interprétation. La présence du conseil de la demanderesse à l’audience confère une solennité supplémentaire à cette manifestation de volonté. Elle garantit que la partie a été éclairée sur les conséquences de son acte. Le désistement d’instance, à la différence du désistement d’action, n’emporte pas renonciation au droit d’agir. La demanderesse conserve la faculté de réintroduire ultérieurement une nouvelle instance sur le même fondement, sous réserve des règles de prescription.

B. L’acceptation du défendeur ou son absence de contestation

L’article 395 du code de procédure civile prévoit que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Cette règle protège le défendeur qui pourrait avoir intérêt à obtenir une décision au fond, notamment pour bénéficier de l’autorité de la chose jugée. L’ordonnance retient que « les défendeurs ont accepté implicitement par leur absence ce désistement ».

Cette solution mérite attention. L’absence des défendeurs à l’audience ne constitue pas, en principe, une acceptation tacite du désistement. L’article 395 alinéa 2 précise toutefois que l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment du désistement. Le tribunal relève précisément que « les défendeurs n’ont présenté aucune demande reconventionnelle ou fin de non recevoir ». Cette absence de défense rend l’acceptation superflue. Le désistement devient parfait par la seule volonté du demandeur dès lors que le défendeur n’a encore développé aucun moyen de défense susceptible de lui conférer un intérêt à la poursuite de l’instance.

II. Les effets du désistement d’instance constaté

Le désistement produit des effets sur l’instance elle-même (A) et sur la répartition des frais de procédure (B).

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction

Le tribunal constate que le désistement « emporte extinction de l’instance à titre principal, et le dessaisissement de la juridiction ». Cette formulation reprend les termes de l’article 385 du code de procédure civile. L’instance s’éteint à titre principal, ce qui signifie que le lien d’instance créé par l’assignation du 7 avril 2025 disparaît. Le juge perd tout pouvoir de statuer sur le litige.

L’extinction de l’instance n’affecte pas le droit substantiel des parties. Le désistement d’instance se distingue du désistement d’action prévu à l’article 384 du code de procédure civile. Ce dernier emporte renonciation à l’action et interdit toute nouvelle demande. Le désistement d’instance, au contraire, remet les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’introduction de l’instance. La demanderesse conserve la possibilité d’agir à nouveau si elle l’estime opportun. Cette distinction revêt une importance pratique majeure dans les litiges où le demandeur souhaite se donner le temps de mieux préparer son dossier ou de tenter une négociation amiable.

B. La charge des dépens incombant au demandeur désistant

L’article 399 du code de procédure civile dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, obligation pour son auteur de payer les frais de l’instance éteinte. L’ordonnance applique cette règle en décidant que la demanderesse « conservera la charge des dépens, sauf accord contraire entre les parties ».

Cette solution procède d’une logique d’équité. Celui qui a pris l’initiative d’engager une procédure puis y renonce doit assumer les frais qu’il a occasionnés à son adversaire. La réserve tenant à un éventuel accord contraire entre les parties traduit la faveur du droit processuel pour les solutions négociées. Les parties demeurent libres de convenir d’une autre répartition des frais, notamment si le désistement résulte d’une transaction. Cette possibilité offre une souplesse bienvenue dans la gestion des fins d’instance. Elle permet d’adapter la charge des frais aux circonstances particulières de chaque espèce et aux négociations qui ont pu précéder le désistement.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture