Tribunal judiciaire de Tours, le 16 juin 2025, n°23/00445

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Rendu par le Tribunal judiciaire de Tours, pôle social, le 16 juin 2025, ce jugement tranche un litige relatif à un indu d’allocation aux adultes handicapés consécutif à l’attribution d’une pension d’invalidité. Les demandeurs, mariés et titulaires d’un compte joint, contestaient la décision de l’organisme qui, après notification d’un trop-perçu, leur avait accordé une remise partielle de moitié. Ils sollicitaient une remise intégrale, la décharge de la dette et des dommages et intérêts pour faute, en invoquant leur bonne foi et l’inertie de l’organisme.

Les faits utiles tiennent à la concomitance entre le versement de l’allocation et l’attribution d’une pension d’invalidité à compter du 1er décembre 2020, puis à la notification d’un indu couvrant la période postérieure non prescrite. L’organisme avait, par décision de recours amiable, consenti une remise de 50 %. Saisis, les juges ont rouvert les débats avant de statuer sur l’intérêt à agir, l’étendue de l’indu et la responsabilité alléguée. Les prétentions opposées faisaient émerger deux thèses sur l’identification du débiteur de l’indu et sur les critères de la remise.

La question posée consistait à déterminer, d’une part, si l’action en répétition pouvait viser simultanément l’allocataire désigné et son conjoint co-usager du compte joint, et, d’autre part, si la bonne foi et la précarité alléguées justifiaient une remise totale au regard du droit positif. Le tribunal a jugé recevable l’action dirigée contre les deux époux, a refusé toute remise supplémentaire, et a écarté la faute de l’organisme au regard du caractère déclaratif des prestations familiales.

I. Identification du débiteur de l’indu et cadre de la remise

A. Le débiteur au sens de l’action en répétition de l’indu

Le tribunal rappelle avec clarté que « l’action en répétition de l’indu est engagée, en application de l’article 1302-1 du code civil, contre celui qui a reçu le paiement ». La solution s’appuie sur la désignation de l’allocataire, l’adhésion conjointe au dispositif et la réception des sommes sur un compte joint, éléments factuels déterminants pour caractériser la qualité de débiteur. En retenant que l’organisme « était donc fondée à agir à l’encontre » des deux époux, les juges confèrent une portée concrète à la notion de réception du paiement, indépendante des débats sur la solidarité ménagère. Le raisonnement privilégie l’assise textuelle du code civil et la réalité comptable du versement.

Cette interprétation est cohérente avec l’économie de la répétition de l’indu, centrée sur la restitution par le bénéficiaire effectif du paiement. Elle évite de déplacer la discussion sur des fondements subsidiaires, en s’attachant d’abord à l’identité du récipiendaire. Le recours au critère du compte joint est sobre et opératoire, puisqu’il établit une proximité directe entre la prestation indûment versée et la sphère patrimoniale commune.

B. Les critères légaux de la remise et le refus d’une remise intégrale

Le tribunal énonce la règle gouvernant l’effacement de la créance sociale : « En vertu de l’article L 553-2 du code de la sécurité sociale, la créance de l’organisme peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. » L’examen des ressources, du patrimoine et des charges, minutieusement décrit, conduit à confirmer la remise partielle de 50 % et à débouter les demandeurs de toute réduction supplémentaire. La motivation retient la possibilité de délais de paiement, ce qui traduit une modulation pragmatique plutôt qu’un effacement total.

La démarche respecte l’office du juge en matière de remise gracieuse, qui n’implique pas un droit subjectif à l’effacement intégral. La référence explicite à la précarité, appréciée in concreto, s’accorde avec la finalité socio-fiscale de la mesure, tout en maintenant l’exigence de restitution proportionnée lorsque la situation économique ne caractérise pas une vulnérabilité majeure.

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Conformité au système déclaratif et rejet de la faute alléguée

La décision se fonde sur un principe structurant du droit des prestations : « Le service des prestations familiales repose sur un système déclaratif », d’où l’obligation pour l’allocataire d’informer l’organisme des changements affectant ses ressources. Les juges constatent que l’allocataire « n’a jamais informé » l’organisme de l’attribution ultérieure de la pension d’invalidité, alors même que la demande initiale révélait l’incidence possible de cette ressource sur l’allocation. Ils en déduisent l’absence de faute de l’organisme et rejettent la demande indemnitaire.

Ce raisonnement affirme la cohérence du droit positif en liant le bénéfice de la remise à la loyauté déclarative. La remarque selon laquelle le contrôle tardif a, de surcroît, permis un cumul non réclamé sur une période prescrite, souligne que l’allégation de préjudice ne se concilie pas avec l’avantage effectivement perçu. La solution s’inscrit ainsi dans une logique d’équilibre entre sécurité des prestations et responsabilité d’information de l’allocataire.

B. Conséquences pratiques pour les couples et gestion des indus sur compte joint

La décision éclaire la pratique en confirmant que la qualité de débiteur peut être retenue à l’encontre de chacun des époux lorsque les versements ont transité par un compte joint et que l’adhésion à la gestion du dossier a été conjointe. En retenant que la réception du paiement fonde l’action, la motivation évite des controverses inutiles sur des solidarités de nature différente, pour privilégier la matérialité du flux financier.

La portée est double. Elle sécurise, pour l’organisme, l’identification des débiteurs en cas de gestion partagée et de circuits bancaires communs. Elle rappelle, pour les allocataires, que la bonne foi et la précarité doivent être objectivées, la remise demeurant un correctif mesuré. La citation selon laquelle l’autorité a « décidé de vous accorder une remise partielle de 10.585,31 € » illustre un usage proportionné de l’outil de clémence, destiné à adoucir la restitution sans en dénaturer le principe.

En définitive, la décision articule sobrement le droit commun de la répétition avec le régime spécifique des prestations déclaratives, en privilégiant des critères factuels simples et un contrôle réaliste des remises. L’équilibre atteint, entre restitution due et allègement partiel, offre un guide opératoire pour le traitement des indus en présence d’un compte joint et d’un défaut d’actualisation des ressources.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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