Tribunal judiciaire de Tours, le 16 juin 2025, n°25/00068

Le Tribunal judiciaire de Tours, pôle social, a rendu le 16 juin 2025 un jugement relatif à la conduite d’instances sociales connexes. La minute porte le n° 25/00205, les procédures étant enregistrées sous les n° RG 25/00068 et 25/00069.

Un salarié, victime d’un accident de trajet le 2 juillet 2020, a été mis à la réforme, la cessation de fonctions étant fixée au 27 mai 2024. L’organisme compétent a indiqué que l’accident constituait l’élément déterminant de la réforme, limitant la pension afférente à 80 % du salaire de référence. Il a, en parallèle, notifié une pension d’invalidité de première catégorie d’un montant brut mensuel de 1 316,42 euros.

Deux recours ont été introduits le 7 février 2025 devant le pôle social, à la suite de réclamations amiables du 9 août 2024 contre des décisions notifiées le 10 juin 2024. Le demandeur a, par ailleurs, saisi la juridiction prud’homale pour contester la réforme, solliciter la réintégration et, subsidiairement, la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les deux parties ont finalement sollicité un sursis à statuer dans l’attente de l’issue prud’homale.

La question tranchée portait sur la possibilité de joindre deux instances sociales étroitement liées et de surseoir, afin d’éviter des solutions discordantes sur des questions partiellement préjudicielles. Le tribunal a ordonné la jonction et décidé de « surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive du Conseil de Prud’hommes », motivant que « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il apparaît opportun de surseoir à statuer », tout en rappelant le régime d’appel spécial prévu par l’article 380 du code de procédure civile.

I. Les conditions et la justification du sursis à statuer

A. L’existence d’un lien de dépendance entre les instances et l’effet utile de la décision prud’homale

Le litige social portait, d’une part, sur la régularité et les effets d’une mise à la réforme discutée devant le juge prud’homal, et, d’autre part, sur des droits à pension soumis au contentieux social. La cohérence commande d’attendre l’issue de la contestation principale, car la qualification et la validité de la mesure d’origine peuvent influer sur l’assiette, la cause et l’étendue des droits dérivés.

En retenant que « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il apparaît opportun de surseoir à statuer », le tribunal manifeste l’existence d’une dépendance fonctionnelle entre les instances. L’issue prud’homale conditionne l’économie du débat social, en évitant des décisions antagonistes ou des réexamens superflus. La motivation cible l’objectif de cohérence, sans préjuger du fond, ce qui respecte la neutralité du sursis.

B. Le cadre juridique du sursis et la maîtrise du temps procédural

Le sursis à statuer relève du pouvoir d’organisation du juge lorsqu’une question préalable, étrangère à sa compétence, est déterminante pour trancher utilement le litige. La solution s’inscrit dans la logique des articles 378 et suivants du code de procédure civile, qui autorisent la suspension pour prévenir des contrariétés de décisions et ordonner un traitement séquentiel pertinent.

La décision vise expressément l’attente « de la décision définitive du Conseil de Prud’hommes », ce qui inclut, le cas échéant, les voies de recours. Cette amplitude temporelle reste encadrée par le rappel des voies d’appel propres au sursis, de nature à prévenir tout allongement déraisonnable. L’articulation entre exigence de célérité et cohérence juridictionnelle apparaît ainsi convenablement équilibrée.

II. La jonction des procédures et l’encadrement des voies de recours

A. La jonction des instances connexes, instrument de cohérence et d’économie

Le tribunal « ORDONNE la jonction des deux instances 25/68 et 25/69 qui présentent un lien entre elles sous le n° 25/68 ». La jonction, autorisée par l’article 367 du code de procédure civile, rationalise l’instruction et garantit une appréciation globale des éléments communs. Elle réunit, sous un seul numéro, des demandes étroitement liées, pour éviter des appréciations fragmentées et assurer un suivi procédural unifié.

Cette mesure ne préjuge pas du fond, mais facilite la maîtrise du calendrier et la lisibilité des débats. Elle s’accorde avec le sursis, puisque l’ensemble des demandes connexes sera réinscrit au rôle à l’initiative de la partie la plus diligente après la décision attendue, sans perte de continuité.

B. Le régime d’appel spécifique du sursis et la garantie d’un contrôle effectif

Le dispositif rappelle que, selon l’article 380 du code de procédure civile, « La décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime. La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision. S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas. »

La reprise intégrale de ce texte souligne la nature exceptionnelle du contrôle, réservé aux hypothèses où la suspension cause un préjudice procédural grave. Le filtrage par le premier président prévient les appels dilatoires tout en préservant une voie de correction lorsque la balance des intérêts se renverse. L’information donnée aux parties, enfin, favorise la sécurité juridique et canalise l’exercice des recours vers la procédure adéquate.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture