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Le divorce pour faute demeure une institution contentieuse majeure en droit français de la famille. L’arrêt rendu par le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Valenciennes le 18 juin 2025 illustre la persistance de ce fondement dans les procédures matrimoniales contemporaines.
En l’espèce, deux époux s’étaient mariés le 13 octobre 2016 au Maroc, sans contrat de mariage. Trois enfants sont nés de cette union, respectivement en 2018, 2019 et 2022. Le mari a assigné son épouse en divorce le 12 juin 2023. Une ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires a été rendue le 13 décembre 2023. Les parties ont été convoquées devant le juge aux affaires familiales statuant sans audience, selon la procédure de dépôt des dossiers prévue à l’article 778 alinéa 4 du code de procédure civile.
Le demandeur sollicitait vraisemblablement le prononcé du divorce. L’épouse a formulé des demandes reconventionnelles tendant au prononcé du divorce aux torts exclusifs de son conjoint, à l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil et à l’octroi d’une prestation compensatoire.
La question posée au juge aux affaires familiales était de déterminer si les faits imputés à l’époux constituaient une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune au sens de l’article 242 du code civil. Se posait également la question de la réparation du préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du mariage.
Le Tribunal judiciaire de Valenciennes prononce le divorce pour faute aux torts exclusifs de l’époux. Il fixe les effets du divorce entre époux au 12 juin 2023 et déboute le mari de sa demande de report. Sur les conséquences du divorce, le juge fixe la résidence des enfants chez la mère et accorde au père un droit de visite restreint, sans hébergement. Une contribution à l’entretien des enfants est mise à la charge du père. Le juge déboute l’épouse de sa demande de prestation compensatoire mais lui alloue 4.000 euros de dommages et intérêts.
Cette décision mérite une analyse approfondie tant au regard du prononcé du divorce pour faute et de ses conséquences patrimoniales (I), qu’au regard de l’organisation de l’exercice de l’autorité parentale après la séparation (II).
I. Le divorce pour faute et ses conséquences patrimoniales
Le prononcé du divorce aux torts exclusifs emporte des conséquences significatives sur le plan patrimonial, qu’il s’agisse de la date des effets du divorce (A) ou de l’allocation de dommages et intérêts (B).
A. La détermination de la date des effets du divorce entre époux
L’article 262-1 du code civil dispose que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l’ordonnance de non-conciliation ou, en l’absence d’une telle ordonnance, à la date de la demande en divorce. Le juge peut toutefois fixer les effets du jugement à la date à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer.
En l’espèce, le juge aux affaires familiales retient la date du 12 juin 2023, correspondant à celle de la demande en divorce. Il déboute le mari de sa demande de report des effets du divorce. Cette décision s’inscrit dans la logique de l’article 262-1 du code civil qui établit une présomption en faveur de la date de la demande.
Le report de la date des effets du divorce constitue une faculté pour le juge et non une obligation. L’époux qui sollicite un tel report doit établir que la cessation de cohabitation et de collaboration est intervenue à une date antérieure. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve soumis. En l’absence de motifs occultés, il est permis de supposer que le demandeur n’a pas rapporté la preuve suffisante d’une séparation antérieure à la demande en divorce.
Cette solution protège les intérêts patrimoniaux de l’épouse en maintenant la communauté jusqu’à la date de la demande. Elle évite que l’époux fautif ne tire avantage d’une situation de fait qu’il aurait lui-même provoquée.
B. L’allocation de dommages et intérêts pour préjudice distinct
Le juge aux affaires familiales condamne l’époux à verser 4.000 euros de dommages et intérêts à son épouse sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Cette condamnation est indépendante du prononcé du divorce aux torts exclusifs.
L’article 266 du code civil permet d’allouer des dommages et intérêts à l’époux qui subit un préjudice d’une particulière gravité du fait de la dissolution du mariage. Cependant, le juge se fonde sur l’article 1240 du code civil, ce qui suppose l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la seule rupture du lien matrimonial. La jurisprudence exige traditionnellement la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité selon le droit commun de la responsabilité civile.
Le montant de 4.000 euros témoigne d’un préjudice réel subi par l’épouse, sans atteindre les sommes parfois allouées dans des affaires impliquant des violences conjugales avérées ou des comportements particulièrement humiliants. Ce quantum relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
La décision illustre la distinction fondamentale entre les dommages et intérêts de l’article 266 du code civil et ceux fondés sur la responsabilité civile de droit commun. Le juge sanctionne ici un comportement fautif au-delà de la simple méconnaissance des devoirs du mariage.
II. L’organisation de l’exercice de l’autorité parentale
La décision organise minutieusement les modalités d’exercice de l’autorité parentale, tant au regard de la résidence des enfants (A) que du droit de visite accordé au père (B).
A. La fixation de la résidence habituelle des enfants chez la mère
Le juge fixe la résidence principale et habituelle des trois enfants au domicile de la mère. Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale que le jugement maintient expressément. L’article 373-2-9 du code civil confère au juge le pouvoir de fixer la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
La fixation de la résidence chez la mère constitue une solution conforme à l’intérêt supérieur des enfants tel qu’apprécié par le juge. Les trois enfants sont en bas âge, nés entre 2018 et 2022. La stabilité de leur environnement quotidien apparaît comme une préoccupation centrale de la décision.
Le jugement rappelle avec précision les obligations découlant de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Les parents devront prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé, l’orientation scolaire, l’éducation religieuse et le changement de résidence. Cette énumération reprend les termes de l’article 373-2 du code civil relatif à la coparentalité.
Le juge rappelle également l’obligation pour le parent chez qui l’enfant réside de notifier tout changement de domicile à l’autre parent dans un délai d’un mois, conformément à l’article 227-6 du code pénal. Cette disposition pénale sanctionne le non-respect de cette obligation d’information.
B. L’aménagement restrictif du droit de visite paternel
Le droit de visite accordé au père présente un caractère particulièrement restrictif. Il s’exerce uniquement les week-ends des semaines paires, le samedi et le dimanche de 10 heures à 18 heures, sans nuitée. Ce droit n’est pas suspendu pendant les vacances scolaires, à l’exception d’un mois pendant les vacances d’été si la mère part en vacances.
L’absence de droit d’hébergement constitue une mesure significative. Elle témoigne de circonstances particulières ayant conduit le juge à limiter les contacts entre le père et ses enfants au temps diurne. Cette restriction peut s’expliquer par la nature des fautes ayant justifié le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l’époux.
Le juge attribue au père la charge de prendre et de ramener les enfants. Cette modalité est conforme à la pratique courante mais représente une charge pour le parent visiteur. La décision précise que l’exercice du droit peut être délégué à une personne digne de confiance.
La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants est fixée à 130 euros par mois et par enfant, soit 390 euros mensuels au total. Le versement s’effectuera par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations familiales. Ce mécanisme d’intermédiation, institué par la loi du 23 mars 2019, vise à sécuriser le paiement des pensions alimentaires et à prévenir les impayés.