Tribunal judiciaire de Versailles, le 13 juin 2025, n°23/03625

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Le Tribunal judiciaire de Versailles, 13 juin 2025, statue sur l’engagement de la responsabilité personnelle d’un liquidateur amiable, à la suite de la clôture d’une liquidation en présence d’une créance litigieuse. Une société civile professionnelle avait souscrit deux contrats de location. Dissoute et mise en liquidation amiable, elle fut ensuite condamnée par le Tribunal judiciaire de Pontoise, 9 novembre 2021. Le créancier-bailleur a alors recherché la responsabilité délictuelle du liquidateur amiable devant le Tribunal judiciaire de Versailles, lui reprochant d’avoir clôturé sans provisionner la créance en cours de contentieux.

Le créancier a sollicité réparation à hauteur des condamnations prononcées, en ajoutant des accessoires et frais. Le défendeur a soutenu que la responsabilité ne pouvait être engagée, au motif notamment du caractère abusif de certaines clauses contractuelles, arguées de déséquilibre significatif, et de leur prétendue inopposabilité. Le litige cristallise ainsi une double interrogation. D’une part, le fondement et les contours de la faute imputable au liquidateur amiable qui clôture en présence d’un passif litigieux. D’autre part, l’incidence des contestations substantielles relatives à la créance sur l’appréciation de cette faute et sur la réparation.

Le tribunal retient le droit commun de la responsabilité, en rappelant que « Suivant l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Il énonce la règle directrice de la liquidation amiable en jugeant que « La liquidation amiable d’une société impose l’apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu’au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ». Il précise enfin la conduite requise lorsque l’actif est insuffisant, énonçant qu’« Il appartient au liquidateur amiable de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l’ouverture d’une procédure collective ». La faute est caractérisée pour avoir clôturé sans provisionner. Toutefois, la réparation est cantonnée à la perte certaine, le tribunal décidant que « Le préjudice est donc limité à la somme de 1.530 euros correspondant au disponible à la clôture de la liquidation ». L’enjeu tient donc autant à la définition de la faute qu’à la mesure du dommage allégué par le créancier.

I – Le fondement et l’économie de la faute du liquidateur amiable

A – L’obligation de garantir les créances litigieuses et de différer la clôture en cas d’insuffisance d’actif
Le tribunal expose avec clarté la norme de conduite applicable à la liquidation amiable. La liquidation n’est pas un simple achèvement comptable, mais un processus de réalisation ordonné visant l’apurement intégral du passif. La décision consacre un standard opérationnel précis, selon lequel « les créances litigieuses doivent, jusqu’au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ». Cette exigence, détachée du bien-fondé ultime de la créance, commande une prudence procédurale. Tant que le contentieux n’est pas purgé, l’organe de liquidation doit assurer, par la provision, la neutralité patrimoniale de la clôture.

En cas d’actif insuffisant, la solution s’inscrit dans une logique de protection du crédit et d’égalité des créanciers. Le juge complète le standard en rappelant qu’« Il appartient au liquidateur amiable de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l’ouverture d’une procédure collective ». Le manquement ne tient donc pas seulement à l’absence de provision, mais également au refus de mobiliser les outils adéquats, lorsque la provision est impossible. L’arrêté des comptes ne peut valider un transfert implicite du risque contentieux vers les tiers sans garde-fou procédural.

B – L’office du juge civil et l’indifférence des contestations substantielles à la caractérisation de la faute
Le tribunal fixe avec netteté la frontière entre l’existence d’un contentieux et son issue au fond. La responsabilité du liquidateur se joue au plan processuel et organisationnel, indépendamment des antinomies contractuelles alléguées. La charge de la preuve reste ordinaire, ainsi qu’il est rappelé que « Il appartient au demandeur de rapporter la preuve de la faute qu’il impute à celui contre lequel il agit, mais également d’un préjudice en lien avec cette faute ». Le créancier rapporte la preuve de la clôture en présence d’un litige en cours, sans provision ni orientation collective. Ce seul faisceau suffit à caractériser la faute.

Les objections relatives au caractère abusif de clauses contractuelles ne neutralisent pas l’obligation de prudence qui s’impose au liquidateur. Le débat de validité, par hypothèse pendante devant la juridiction saisie du fond, ne saurait autoriser une clôture irréversible. En dissociant le contentieux substantiel de l’obligation procédurale de garantie, la décision réaffirme l’autonomie du standard de diligence applicable aux organes de liquidation amiable.

II – La mesure de la réparation et la portée pratique de la solution

A – Une réparation cantonnée à la perte certaine, en adéquation avec la finalité de la liquidation
Le tribunal refuse la transposition mécanique de la condamnation prononcée contre la société dissoute à l’encontre du liquidateur. Il ancre la réparation dans une logique de causalité directe et de certitude du dommage. La motivation est explicite lorsqu’elle précise que « Le préjudice est donc limité à la somme de 1.530 euros correspondant au disponible à la clôture de la liquidation ». La limitation au disponible s’accorde avec la fonction de la liquidation amiable, qui n’a pas vocation à recréer un gage inexistant par le seul effet de la faute.

Cette approche évite l’alignement intégral et automatique entre dette sociale et responsabilité personnelle. Elle reflète une stricte appréciation de la perte de chance d’être désintéressé par l’actif existant, et non une garantie personnelle du passif. La cohérence interne du raisonnement renforce la sécurité du standard posé à la première partie, sans consacrer une responsabilité de couverture étrangère au droit commun.

B – Une décision de méthode, au service de la discipline des liquidations amiables
La solution possède une portée pratique marquée pour les liquidations amiables. Elle impose un calendrier procédural discipliné, soit par la constitution d’une provision, soit par le report de la clôture, soit par la bascule vers le collectif. Elle prévient les clôtures opportunistes en présence de contentieux pendants, en responsabilisant l’organe de liquidation sur la tenue des garanties minimales. En miroir, elle incite les créanciers à veiller à la publicité des instances et à documenter l’actif disponible.

Le traitement des moyens tirés de clauses abusives illustre une saine hiérarchie des questions. Le juge du fond de la liquidation n’absorbe pas le débat contractuel, mais statue sur la diligence due pendant le litige. La décision, structurée autour des énoncés de principe « La liquidation amiable d’une société impose l’apurement intégral du passif » et « Il appartient au liquidateur amiable de différer la clôture », articule fermeté normative et mesure réparatoire. Elle offre ainsi un guide opératoire clair, sans alourdir la responsabilité personnelle au-delà de la perte certaine démontrée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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