Tribunal judiciaire de Versailles, le 13 juin 2025, n°24/00913

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La décision commentée émane du Tribunal judiciaire de Versailles, le 13 juin 2025, statuant en matière de crédit à la consommation. Un établissement de crédit avait consenti en 2021 un prêt personnel de 20 000 euros à un emprunteur, remboursable en 96 mensualités à 4,7 %. À la suite d’impayés persistants, une mise en demeure a été adressée en décembre 2023, puis une assignation a été délivrée en novembre 2024 aux fins de voir constater la déchéance du terme, obtenir condamnation au paiement et écarter tout délai.

La procédure a opposé une demande en paiement fondée sur l’exigibilité anticipée du capital, assortie d’une demande d’intérêts conventionnels, d’anatocisme et de frais, à la sollicitation par le débiteur de délais de paiement. Le juge a d’abord examiné la forclusion biennale, puis l’exigibilité de la créance au regard des stipulations contractuelles, avant de soulever d’office les règles d’ordre public relatives à l’information précontractuelle et à la sanction de déchéance du droit aux intérêts. La question centrale tenait au point de départ de la forclusion, aux conditions d’acquisition de la déchéance du terme, et surtout à la portée de la déchéance du droit aux intérêts en l’absence de fiche d’informations précontractuelles, notamment quant aux intérêts moratoires et à la capitalisation. La juridiction a jugé l’action recevable, admis l’exigibilité du capital, prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels « à compter de la date de conclusion du contrat », fixé une condamnation au seul capital restant dû avec « intérêts au taux légal non majoré à compter du 20 décembre 2023 », écarté la capitalisation et accordé des délais.

I. Recevabilité et exigibilité de la créance

A. Le point de départ de la forclusion biennale de l’article R. 312-35
Le juge rappelle que « les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ». Il précise que « [c]et événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé ». L’historique de compte établissait un premier impayé non régularisé au 4 janvier 2023, l’assignation ayant été délivrée le 21 novembre 2024, de sorte que le délai biennal n’était pas expiré.

Cette approche s’inscrit dans une lecture constante du texte, qui fait courir le délai à compter du premier incident non régularisé, en tenant compte des règles d’imputation des paiements. La solution est stricte mais prévisible, et sécurise le contentieux en circonscrivant la recevabilité autour d’un critère objectif facilement vérifiable par pièces comptables.

B. La déchéance du terme après mise en demeure et l’exigibilité du capital
Le juge retient qu’« [e]n cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés », conformément à l’article L. 312-39. L’exigibilité anticipée suppose la mise en œuvre d’une clause résolutoire valablement stipulée et une mise en demeure efficace. Ici, une mise en demeure a précédé la résiliation de plein droit, permettant de constater l’acquisition de la déchéance du terme.

La motivation s’aligne sur les articles 1224 et 1225 du code civil, en rappelant l’exigence d’une mise en demeure mentionnant la clause résolutoire. La solution est classique et proportionnée au manquement prolongé. Elle conditionne cependant l’étendue de la condamnation à la régularité des informations précontractuelles, dont le juge vérifie d’office le respect.

II. La déchéance du droit aux intérêts et ses effets

A. La sanction du défaut de remise de la fiche d’informations précontractuelles
Le juge cite l’article L. 312-12, selon lequel « le prêteur […] donne à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, […] les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres ». Il en déduit, au visa de l’article L. 341-1, que « en cas de non-respect de cette formalité, le prêteur est déchu du droit aux intérêts ». Constatant l’absence de fiche, la juridiction prononce que « [e]n conséquence, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts à compter de la date de conclusion du contrat ».

La solution respecte la charge de la preuve telle qu’issue de l’article 1353 du code civil, renforcée par la jurisprudence européenne sur l’obligation d’information. Elle confère un effet utile à la directive 2008/48/CE en adoptant une sanction effective et dissuasive. Elle participe d’une protection substantielle du consentement, qui exige la remise d’un document standardisé, complet et traçable, préalable à tout engagement.

B. Les conséquences pécuniaires: capital seul, exclusion de la capitalisation et de la majoration
Le juge rappelle « qu’en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu », en application de l’article L. 341-8, et que « les sommes perçues au titre des intérêts sont restituées […] ou imputées sur le capital restant dû ». Il en résulte une condamnation limitée au capital résiduel de 15 874,57 euros, sous réserve de régularisations, sans indemnité ni frais non prévus par la loi.

S’agissant des accessoires, la juridiction souligne que « [s]elon l’article L. 312-38 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés […] ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur ». Elle en déduit « qu’il convient de rejeter la demande de capitalisation des intérêts ». Elle ajoute que « la majoration du taux de l’intérêt légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier sera exclue afin d’assurer l’effet utile de la directive 2008/48/CE ». Cette articulation consacre un traitement cohérent des accessoires: exclusion de l’anatocisme, refus de la majoration du taux légal, mais maintien d’intérêts moratoires au taux légal non majoré à compter de la mise en demeure.

La portée de l’arrêt est double. D’une part, il confirme un standard probatoire exigeant sur la remise de la fiche d’informations, dont l’absence entraîne une déchéance totale des intérêts conventionnels dès l’origine. D’autre part, il stabilise les effets pécuniaires de la sanction en combinant capital seul, exclusion des accessoires aggravants, et intérêts légaux non majorés, assurant un équilibre entre protection du consommateur et réparation du retard. L’octroi de délais sur le fondement de l’article 1343-5 parachève l’économie de la décision, en conciliant efficacité du recouvrement et soutenabilité du remboursement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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