Tribunal judiciaire de Versailles, le 13 juin 2025, n°24/06292

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal constitue l’un des quatre cas de divorce prévus par le Code civil. Par un jugement du 13 juin 2025, le Tribunal judiciaire de Versailles a prononcé un divorce sur ce fondement, offrant l’occasion d’examiner les conditions et effets de cette procédure.

Une femme et un homme se sont mariés le 6 octobre 2018. Les époux se sont séparés, cessant toute cohabitation à compter du 4 mai 2022. L’épouse a assigné son conjoint en divorce pour altération définitive du lien conjugal par acte du 8 novembre 2024.

L’épouse, représentée par avocat, sollicitait le prononcé du divorce ainsi que l’attribution du droit au bail du domicile conjugal. L’époux, défaillant, n’a pas comparu ni constitué avocat, ce qui a conduit à une décision réputée contradictoire.

La question posée au juge aux affaires familiales consistait à déterminer si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal étaient réunies et, dans l’affirmative, à en tirer les conséquences patrimoniales.

Le tribunal a prononcé le divorce, fixé la date des effets entre époux au 4 mai 2022 et attribué le droit au bail du logement conjugal à l’épouse, tout en la condamnant aux dépens.

Cette décision invite à examiner les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (I) avant d’en analyser les effets patrimoniaux (II).

I. Les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal

A. L’exigence d’une cessation de la communauté de vie

L’article 238 du Code civil prévoit que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce ». Cette disposition, issue de la loi du 26 mai 2004 réformée par la loi du 23 mars 2019, a réduit le délai de séparation initialement fixé à deux ans.

Le tribunal a constaté que les époux vivaient séparés depuis le 4 mai 2022. L’assignation ayant été délivrée le 8 novembre 2024, plus de deux ans s’étaient écoulés depuis la séparation effective. La condition temporelle se trouvait amplement satisfaite, le délai d’un an étant largement dépassé lors de l’introduction de la demande.

La cessation de la communauté de vie suppose une double rupture, matérielle et affective. L’élément matériel réside dans l’absence de cohabitation. L’élément intentionnel se manifeste par la volonté de ne plus vivre ensemble. La fixation de la date des effets au 4 mai 2022 traduit la reconnaissance par le juge de cette rupture effective à compter de cette date.

B. L’appréciation souveraine du juge sur le caractère définitif de l’altération

Le juge aux affaires familiales dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier le caractère définitif de l’altération du lien conjugal. L’absence de comparution de l’époux défaillant ne dispense pas le tribunal de vérifier que les conditions légales sont réunies. Le jugement mentionne expressément l’assignation du 8 novembre 2024, attestant de la régularité de la procédure.

La défaillance du défendeur a conduit à un jugement réputé contradictoire conformément à l’article 473 du Code de procédure civile. Cette qualification procédurale emporte des conséquences sur les voies de recours : le jugement est susceptible d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa signification.

Le caractère définitif de l’altération s’apprécie au jour où le juge statue. La durée de séparation de plus de trois ans au jour du jugement ne laissait subsister aucun doute sur l’impossibilité de maintenir le lien matrimonial. L’absence même du défendeur à la procédure confirmait cette analyse.

II. Les effets patrimoniaux du divorce prononcé

A. La fixation de la date des effets entre époux

Le tribunal a fixé « la date des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens au 04 mai 2022 ». Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’article 262-1 du Code civil qui permet au juge de reporter les effets du divorce à la date de la cessation de la cohabitation et de la collaboration.

Ce report revêt une importance considérable pour la liquidation du régime matrimonial. Les acquêts réalisés et les dettes contractées postérieurement au 4 mai 2022 par chaque époux leur demeureront personnels. La composition active et passive de la communauté se trouve ainsi cristallisée à cette date.

Le jugement rappelle également que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort ». Cette mention, conforme à l’article 265 du Code civil, protège chaque époux contre les libéralités consenties pendant l’union dans un contexte conjugal désormais révolu.

B. L’attribution du droit au bail et la répartition des dépens

Le tribunal a attribué à l’épouse « le droit au bail du logement ayant constitué le domicile conjugal ». Cette décision, fondée sur l’article 1751 du Code civil, confère à l’épouse bénéficiaire la qualité exclusive de locataire. Le bailleur devra prendre acte de cette attribution judiciaire.

Cette mesure assure la stabilité du logement de l’épouse dans un contexte de rupture. L’article 267 du Code civil permet au juge de statuer sur cette attribution lors du prononcé du divorce. Le caractère définitif de cette mesure s’oppose aux simples mesures provisoires qui peuvent être prises pendant la procédure.

La condamnation de l’épouse aux dépens pourrait surprendre alors qu’elle a obtenu satisfaction sur l’ensemble de ses demandes. Cette répartition s’explique par sa qualité de demanderesse à l’action en divorce. Le principe selon lequel la partie perdante supporte les dépens trouve ici une application nuancée : en matière de divorce, la notion de partie succombante s’efface devant la logique propre aux affaires familiales où le prononcé du divorce satisfait souvent les deux parties.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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