Tribunal judiciaire de Versailles, le 13 juin 2025, n°25/01302

L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Versailles le 13 juin 2025 maintient une hospitalisation complète décidée à la demande d’un tiers, sur le fondement des articles L. 3211-12-1 et L. 3212-1 du code de la santé publique. Le patient avait été admis le 2 juin 2025, la décision d’admission étant formalisée le 3 juin 2025, puis confirmée après certificats des vingt-quatre et soixante-douze heures. Un avis médical du 6 juin 2025 préconisait la poursuite des soins sous contrainte.

La juridiction a été saisie par le directeur d’établissement le 6 juin 2025. Le ministère public a émis un avis favorable au maintien. À l’audience publique, le patient était assisté d’un avocat et le tiers demandeur d’admission était présent. Ont été soulevés plusieurs moyens d’irrégularité, tenant à l’isolement, à la tardiveté de l’admission et des notifications, ainsi qu’au défaut ou retard d’information de la commission départementale des soins psychiatriques.

La question portait d’abord sur l’articulation du contrôle juridictionnel des garanties procédurales, notamment la sanction des irrégularités, puis sur la réunion des conditions matérielles de l’article L. 3212-1. La juridiction rappelle que « Il résulte des dispositions de l’article L 3211-12-1 du code de la santé publique qu’il appartient au juge des libertés et de la détention de statuer systématiquement sur la situation des patients faisant l’objet de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète, sans leur consentement. » Elle écarte le grief relatif à l’isolement, car « Les mesures d’isolement et leur contrôle, désormais systématique par le juge des libertés font l’objet d’une procédure distincte. » S’agissant des irrégularités administratives, elle retient que « l’irrégularité […] n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne. » Enfin, au fond, l’ordonnance constate, au vu des certificats et de l’avis, que les soins sous contrainte demeurent nécessaires.

I. Le contrôle juridictionnel des garanties procédurales en matière d’hospitalisation complète

A. L’autonomie du contentieux de l’isolement et la prévention des contradictions de décisions

La juridiction distingue nettement l’office lié au maintien des soins et celui afférent à l’isolement, relevant que « Les mesures d’isolement et leur contrôle […] font l’objet d’une procédure distincte. » Cette affirmation isole un contentieux spécialisé afin d’éviter des appréciations concurrentes pour des objets juridiques différents. La prévention d’une contrariété de décisions justifie que le juge du maintien n’examine pas, à ce stade, les griefs tirés des conditions d’isolement.

La solution clarifie l’économie du contrôle, en séparant les garanties attachées à la privation de liberté d’aller et venir de celles relatives aux modalités particulières de soins. Elle conforte une logique de spécialisation des voies de recours, au bénéfice d’une lisibilité accrue pour le justiciable et pour l’établissement.

B. Le régime des irrégularités: exigence d’un grief et appréciation concrète de l’atteinte

L’ordonnance se fonde sur l’article L. 3216-1 pour rappeler que « l’irrégularité […] n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne. » Elle relève que les décisions d’admission et de maintien ont été notifiées au patient dans un délai rapproché, et qu’aucun élément précis de grief n’est démontré. S’agissant de l’information de la commission départementale, le retard est constaté, mais neutralisé faute d’atteinte caractérisée aux droits.

Ce raisonnement s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse les nullités automatiques en matière de soins sans consentement, afin de concilier la protection des droits procéduraux et l’impératif de soins. Il renforce, toutefois, l’exigence de preuve d’un préjudice procédural concret, ce qui commande une vigilance accrue des établissements sur les délais et traçabilités d’information.

II. Les conditions matérielles des soins sans consentement et la portée de l’ordonnance

A. La réunion des critères de l’article L. 3212-1 et l’appui des pièces médicales

Les certificats initiaux, ceux des vingt-quatre et soixante-douze heures, ainsi que l’avis motivé du 6 juin 2025, objectivent des troubles rendant impossible le consentement et exigeant une surveillance constante. L’ordonnance cite un état clinique encore fragile, relevé ainsi: « le patient, malgré une amélioration de son état, a un discours incohérent par moment, qu’il se montre ambivalent à l’hospitalisation et que son adhésion aux soins reste fragile. » Le juge retient que les critères légaux sont remplis.

La motivation articule nécessité des soins et proportionnalité des atteintes, conformément aux standards de contrôle. Sans empiéter sur l’évaluation médicale, la juridiction vérifie l’aptitude des pièces à justifier la contrainte, en accordant un poids décisif à la dynamique de l’observation médicale dans les premiers jours.

B. Valeur et portée: consolidation du contrôle de proportionnalité et anticipation contentieuse

L’ordonnance conforte un schéma dans lequel le juge vérifie la base factuelle, puis mesure l’adaptation des restrictions aux troubles constatés. En pratique, ce contrôle de proportionnalité demeure resserré mais réel, ce qui éclaire les obligations de l’établissement sur la précision des certificats et la motivation des avis.

La portée de la décision tient également à la gestion des irrégularités. En exigeant un grief, la juridiction privilégie une approche finaliste des nullités, de nature à sécuriser les prises en charge tout en incitant à la rigueur procédurale. Ce cadre invite les parties à documenter systématiquement l’information des droits et des recours, car la preuve de l’atteinte, si elle survient, deviendra déterminante devant la cour d’appel de Versailles en cas de contestation ultérieure.

En définitive, l’ordonnance maintient un équilibre lisible: procédure distincte pour l’isolement, irrégularité neutralisée sans grief, et contrôle substantiel des critères légaux, dans la continuité d’un office juridictionnel tourné vers la proportionnalité et l’effectivité des droits.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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