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Le contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques sans consentement constitue une garantie essentielle des libertés individuelles. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Versailles le 13 juin 2025 en offre une illustration significative, en ce qu’elle statue sur le maintien d’une mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète décidée sur le fondement du péril imminent.
Un homme, placé sous curatelle, a fait l’objet le 5 juin 2025 d’une admission en soins psychiatriques sans son consentement, sur décision du directeur d’un centre hospitalier, en application de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Cette admission reposait sur le fondement du péril imminent prévu par ce texte. Le 10 juin 2025, le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contrôle de la mesure, conformément aux articles L. 3211-12-1 et suivants du même code.
L’intéressé, assisté de son avocat, a soulevé plusieurs moyens d’irrégularité devant le magistrat. Il invoquait l’irrégularité de son placement en chambre de soins intensifs, le défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques dans le délai légal, l’absence d’information des tiers dans les vingt-quatre heures et le défaut d’avis à son curateur.
Le tribunal judiciaire de Versailles était ainsi conduit à déterminer si les irrégularités procédurales alléguées justifiaient la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète ou si, au contraire, l’absence de grief démontré permettait le maintien de cette mesure.
Le juge des libertés et de la détention a rejeté l’ensemble des moyens d’irrégularité et ordonné le maintien de l’hospitalisation complète. S’agissant du placement en chambre de soins intensifs, il a relevé que cette question relevait d’une procédure distincte. Concernant l’information tardive de la commission départementale, le juge a constaté l’absence d’atteinte aux droits du patient dès lors que celui-ci avait été informé de ses voies de recours. Sur le défaut d’information des tiers et du curateur, le tribunal a retenu que l’établissement avait effectué les diligences nécessaires. Au fond, les certificats médicaux établissant un « contact médiocre », un « discours désorganisé » et une opposition au traitement justifiaient le maintien de la mesure.
Cette décision mérite examen tant au regard du traitement des irrégularités procédurales (I) que de l’appréciation des conditions de fond du maintien de l’hospitalisation (II).
I. Le traitement des irrégularités procédurales : une application stricte de la théorie du grief
Le juge opère une distinction entre les moyens relevant de procédures distinctes (A) et ceux susceptibles d’être examinés au fond mais écartés faute de grief démontré (B).
A. L’exclusion du moyen relatif à l’isolement du champ du contrôle
Le patient invoquait l’irrégularité de son placement en chambre de soins intensifs. Le juge écarte ce moyen au motif que « les mesures d’isolement et leur contrôle, désormais systématique par le juge des libertés, font l’objet d’une procédure distincte ». Il précise qu’il n’y a « pas lieu à statuer dans le cadre de la présente audience » au risque d’une « contradiction de décision » avec celle du juge chargé du contrôle des mesures d’isolement.
Cette position s’inscrit dans la logique du dédoublement des contrôles opéré par le législateur. La loi du 22 janvier 2022 a institué un contrôle systématique des mesures d’isolement et de contention, distinct du contrôle de l’hospitalisation elle-même. Le juge de Versailles tire les conséquences de cette dualité procédurale en refusant de se prononcer sur un moyen qui relève d’une autre instance.
La solution présente l’avantage de la cohérence institutionnelle. Elle évite que deux magistrats ne rendent des décisions contradictoires sur des aspects connexes de la privation de liberté. Toutefois, elle peut apparaître frustrante pour le patient qui se trouve contraint de multiplier les recours pour faire valoir l’ensemble de ses griefs relatifs à sa situation.
B. L’absence de grief comme critère d’appréciation des irrégularités
S’agissant de l’information tardive de la commission départementale des soins psychiatriques, le juge reconnaît expressément l’irrégularité. Il constate que « la commission a été prévenue tardivement, le texte prévoyant sans délai ». Cependant, il refuse d’en tirer conséquence sur le maintien de la mesure.
Le tribunal fait application de l’article L. 3216-1 alinéa 2 du code de la santé publique, selon lequel « l’irrégularité affectant une décision administrative n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne ». Le juge relève que le patient a été informé de son droit de saisir la commission, qu’il a reçu notification de ses voies de recours et qu’il peut à tout moment solliciter une expertise médicale. Il en déduit qu’aucun grief n’est démontré.
Cette application de la théorie du grief s’inscrit dans une jurisprudence constante tendant à éviter les mainlevées fondées sur des irrégularités purement formelles. Elle préserve l’efficacité du dispositif de soins contraints tout en maintenant l’exigence d’un respect substantiel des droits du patient. La solution peut néanmoins être discutée en ce qu’elle relativise l’importance des garanties procédurales pourtant voulues par le législateur.
II. L’appréciation des conditions de fond : un contrôle médical validé par le juge
Le juge examine successivement les diligences accomplies par l’établissement (A) avant de valider les conclusions médicales justifiant le maintien de la mesure (B).
A. La validation des diligences relatives à l’information des tiers et du curateur
Le patient soulevait l’absence d’information des tiers dans le délai de vingt-quatre heures et le défaut d’avis à son curateur. Le juge écarte ces moyens après examen des diligences accomplies par l’établissement.
S’agissant des tiers, le tribunal constate que « le père ne répondait pas » et que « l’appel à la résidence est resté sans réponse ». Il en conclut qu’« il ne saurait être reproché à l’hôpital de ne pas avoir fait de diligences suffisantes ». L’établissement a satisfait à son obligation de moyens.
Concernant le curateur, le juge relève que « les coordonnées dudit curateur n’étaient pas connues de l’hôpital » et qu’un « échange de mail en date du 10 juin 2025 » a permis d’identifier la curatrice au moment de la saisine du juge. Cette dernière a d’ailleurs été « avisée de la date de l’audience ».
Cette approche pragmatique reconnaît les difficultés pratiques auxquelles sont confrontés les établissements de santé. L’impossibilité de joindre les proches ou d’identifier le protecteur juridique ne saurait paralyser la procédure lorsque des efforts raisonnables ont été accomplis. Le juge se livre à une appréciation concrète des circonstances plutôt qu’à une application mécanique des textes.
B. La confirmation de la nécessité médicale de l’hospitalisation complète
Au fond, le juge s’appuie sur les certificats médicaux versés au dossier. L’avis motivé du 10 juin 2025 relève que le patient « présente un contact médiocre avec un discours désorganisé » et qu’il « reste opposant à la prise de traitement ».
Le tribunal en déduit que « les restrictions à l’exercice des libertés individuelles » sont « adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis ». Il retient que « l’intéressé se trouve dans l’impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits » et que « son état nécessite des soins assortis d’une surveillance constante ».
Cette motivation reprend les critères légaux de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Le juge vérifie l’impossibilité de consentir, la nécessité de soins immédiats et le caractère indispensable d’une surveillance constante. Il exerce un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte à la liberté et l’objectif thérapeutique poursuivi.
La portée de cette décision doit être mesurée. Elle s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence qui confère au juge un rôle de contrôle des conditions légales sans se substituer à l’appréciation médicale. Le magistrat n’est pas juge de l’opportunité des soins mais gardien des libertés individuelles. Cette répartition des compétences entre autorité judiciaire et corps médical demeure un équilibre délicat, régulièrement questionné par la doctrine. L’ordonnance du tribunal judiciaire de Versailles illustre cette articulation entre protection de la santé et garantie des libertés, au cœur du contentieux des hospitalisations psychiatriques sans consentement.