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Un jugement du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie, rattaché au tribunal judiciaire de Versailles, rendu le 20 juin 2025, illustre le recours croissant aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière locative. Cette décision homologue un accord transactionnel intervenu entre un bailleur social et son locataire, mettant fin à une procédure contentieuse engagée pour impayés de loyers.
Une société d’HLM avait consenti, par acte sous seing privé du 27 janvier 2020, un bail d’habitation à un particulier. Se prévalant d’un défaut de paiement des loyers, le bailleur a fait assigner le locataire devant le juge des contentieux de la protection par acte du 2 septembre 2024. Les demandes initiales tendaient à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion du preneur, prononcer le séquestre des meubles et obtenir condamnation au paiement d’une somme de 19 031,04 euros au titre des arriérés. Après deux renvois, l’affaire a été retenue à l’audience du 20 juin 2025, où les parties sont parvenues à un accord à la suite d’une audience de conciliation.
Cet accord prévoyait le paiement échelonné par le locataire de la somme de 6 922,83 euros selon trente-cinq mensualités de 150 euros, outre un dernier versement du solde, chaque échéance devant intervenir au plus tard le 7 de chaque mois à compter du 7 juillet 2025. Toute défaillance dans le règlement devait rendre la totalité de la dette immédiatement exigible et permettre à la clause résolutoire de reprendre ses effets. Les parties ont conjointement sollicité l’homologation judiciaire de cette transaction.
Le juge des contentieux de la protection devait déterminer s’il convenait de faire droit à cette demande d’homologation.
Le tribunal y a répondu par l’affirmative. Visant les articles 1565 et 1566 du code de procédure civile, le jugement relève que ces dispositions « permettent au juge d’homologuer l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative, ainsi que dans le cadre d’une transaction, afin de le rendre exécutoire ». Le juge a donc homologué l’accord intervenu le 20 juin 2025, l’a rendu exécutoire et a mis les dépens à la charge du locataire conformément aux termes de la transaction.
Cette décision conduit à examiner successivement le cadre procédural de l’homologation judiciaire des accords transactionnels (I), puis les implications pratiques de cette technique en matière de contentieux locatif (II).
I. Le cadre procédural de l’homologation judiciaire
La compréhension du mécanisme d’homologation suppose d’en préciser le fondement textuel (A) avant d’analyser les conditions de sa mise en oeuvre (B).
A. Le fondement légal du pouvoir d’homologation
Le tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie fonde expressément sa décision sur les articles 1565 et 1566 du code de procédure civile. Ces dispositions, issues du décret du 20 janvier 2012, organisent une procédure simplifiée d’homologation des accords issus de modes alternatifs de règlement des différends. L’article 1565 prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée ».
Le législateur a ainsi entendu favoriser la résolution amiable des litiges en conférant aux accords transactionnels une force exécutoire équivalente à celle d’un jugement. Cette orientation répond à une politique judiciaire constante visant à désengorger les juridictions tout en permettant aux parties de trouver des solutions adaptées à leur situation particulière.
La décision commentée s’inscrit pleinement dans cette logique. Le juge des contentieux de la protection, compétent en matière de bail d’habitation conformément à l’article L. 213-4-4 du code de l’organisation judiciaire, dispose du pouvoir d’homologuer les transactions intervenues dans son domaine de compétence. Ce pouvoir n’est pas discrétionnaire mais s’exerce dans le cadre défini par les textes.
B. Les conditions de l’homologation
L’homologation judiciaire n’est pas un simple enregistrement de l’accord des parties. Le juge exerce un contrôle, certes limité, mais réel. Il doit vérifier que l’accord ne heurte pas l’ordre public et qu’il respecte les droits fondamentaux des parties. En matière locative, ce contrôle revêt une importance particulière compte tenu du caractère protecteur de la législation applicable aux baux d’habitation.
En l’espèce, la transaction présentait plusieurs caractéristiques méritant attention. D’une part, le montant de la dette admise par le locataire, soit 6 922,83 euros, apparaissait sensiblement inférieur aux 19 031,04 euros initialement réclamés par le bailleur. Cette différence substantielle traduit l’existence de concessions réciproques, élément essentiel de la transaction au sens de l’article 2044 du code civil. D’autre part, l’échelonnement sur trente-six mois avec des mensualités de 150 euros témoigne d’un effort d’adaptation aux capacités financières du débiteur.
La clause prévoyant que tout retard de paiement rendrait la totalité de la dette immédiatement exigible et permettrait à la clause résolutoire de reprendre ses effets constitue une garantie pour le bailleur. Le juge a estimé que ces stipulations ne heurtaient pas l’ordre public locatif et pouvaient être homologuées.
II. Les implications pratiques de la transaction locative homologuée
L’homologation emporte des conséquences significatives tant pour le locataire (A) que pour le bailleur (B).
A. La situation du locataire après homologation
L’accord homologué place le locataire dans une position ambivalente. Il bénéficie certes d’un étalement substantiel de sa dette sur près de trois années, ce qui lui permet d’éviter une expulsion immédiate. Le montant des échéances mensuelles, fixé à 150 euros en sus du loyer courant, a été calibré pour demeurer supportable. Cette modération participe de l’efficacité du dispositif puisqu’elle accroît les chances d’exécution complète de l’accord.
Toutefois, le locataire se trouve soumis à une obligation de stricte régularité dans ses paiements. La clause de déchéance du terme en cas de retard fait peser sur lui une menace permanente. Un seul incident de paiement suffirait à rendre la totalité de la somme restant due immédiatement exigible et à permettre au bailleur d’obtenir l’expulsion sans nouvelle procédure. L’homologation confère en effet à l’accord la force exécutoire, dispensant le créancier de retourner devant le juge pour obtenir un titre.
Cette rigueur se justifie par la nature particulière du contentieux locatif. Le bailleur social, qui gère un parc de logements destinés à des personnes aux revenus modestes, doit pouvoir recouvrer ses créances pour assurer l’équilibre de son exploitation et financer l’entretien du patrimoine immobilier.
B. Les garanties du bailleur
Le bailleur tire de l’homologation plusieurs avantages notables. L’accord annexé au jugement acquiert force exécutoire, ce qui permet de recourir directement aux voies d’exécution en cas de défaillance du débiteur. Cette économie procédurale représente un gain de temps et d’argent considérable par rapport à la poursuite du contentieux initial.
La reconnaissance par le locataire d’une dette de 6 922,83 euros, bien qu’inférieure à la somme réclamée, présente l’avantage de la certitude. Le bailleur échappe ainsi aux aléas d’un procès où la créance aurait pu être contestée, réduite par le juge ou dont le recouvrement aurait été compromis par l’insolvabilité du débiteur. La transaction homologuée offre une voie médiane entre l’intransigeance contentieuse et l’abandon de créance.
La mise des dépens à la charge du locataire, conformément à l’accord des parties et à l’article 696 du code de procédure civile, complète ce dispositif favorable au bailleur. Le jugement du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie illustre ainsi la fonction régulatrice de l’homologation judiciaire dans le contentieux locatif, conciliant les intérêts divergents du créancier et du débiteur sous le contrôle du juge.