- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 19 octobre 2023, la cour d’appel de Limoges a statué sur un litige portant sur l’assiette d’une servitude de passage par destination. Le passage litigieux prolonge un chemin rural qui se rétrécit à 1,34 mètre avant d’aboutir au fonds desservi, rendant l’accès automobile incertain. Le propriétaire du fonds bénéficiaire demandait la reconnaissance d’une servitude sur l’angle nord-est de la parcelle voisine, selon le prolongement en ligne droite du chemin, pour une largeur proche d’1,90 mètre. Le propriétaire du fonds grevé s’y opposait, sollicitant la suppression d’ouvrages implantés et l’indemnisation de divers préjudices.
La cour d’appel a relevé que l’existence d’un passage de nature réelle n’était pas discutée, mais elle a estimé que la demande tendait à modifier l’assiette de la servitude, en l’élargissant par empiétement. La troisième chambre civile, par arrêt du 3 juillet 2025, casse partiellement sur le fondement de l’article 4 du code de procédure civile. La Cour énonce d’abord « Vu l’article 4 du code de procédure civile » et rappelle que « Selon ce texte, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». Constatant une altération des termes du débat, elle retient que « la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé », puis « CASSE ET ANNULE » et « les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ».
I. La délimitation du litige au regard de l’article 4 du code de procédure civile
A. Le principe directeur et ses exigences
L’article 4 fixe l’orbite du débat judiciaire, en privant le juge du pouvoir de remodeler les demandes. La Cour le rappelle avec netteté en citant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». Le contrôle exercé ici ne vise pas l’appréciation des faits, mais la fidélité du dispositif d’appel à l’objet exact de la prétention. Le demandeur ne sollicitait pas l’institution d’un passage nouveau, mais la reconnaissance d’une servitude par destination sur une portion précisément décrite, définie par le prolongement rectiligne du chemin rural.
Ce cadre oblige le juge à s’en tenir à la formulation de la prétention, telle qu’elle ressort des écritures et des pièces. L’office du juge, en ce domaine, consiste à qualifier juridiquement la demande et à trancher la question née des textes applicables, sans reconfigurer l’objet ni substituer une prétention différente. La Cour censure ici une confusion entre qualification et altération, en rappelant la frontière exacte tracée par les principes directeurs du procès.
B. Requalification permise, altération prohibée
La requalification est permise lorsqu’elle éclaire la règle applicable à une prétention inchangée. Elle devient illicite si elle transforme la demande en une prétention autre, affectant l’objet du litige. Tel est le grief retenu, la cour d’appel de Limoges ayant substitué à une demande de constat de servitude sur une assiette déterminée l’idée d’un élargissement de cette assiette. En procédant ainsi, la juridiction du fond a franchi la limite posée par l’article 4.
La Cour de cassation le formule de manière explicite en relevant que « la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé ». La décision rappelle qu’il ne suffit pas d’identifier une divergence sur le tracé pour assimiler la prétention à une demande de modification de l’assiette. L’objet demeurait la reconnaissance d’une servitude par destination sur la fraction nord-est, conformément à l’axe du chemin. Le juge devait donc trancher l’existence et la délimitation de cette servitude alléguée, sans la redéfinir en extension.
II. Portée en matière d’assiette d’une servitude par destination
A. Détermination de l’assiette et signes apparents
En matière de servitude par destination, l’assiette résulte des signes apparents et permanents établis lors de la division du fonds initial, ainsi que des nécessités de desserte. L’arrêt relève d’ailleurs que « les parties ne contestent pas que le passage existant a la nature d’une servitude par destination du père de famille ». Le débat ne portait pas sur le principe, mais sur l’assiette exacte, à l’endroit où le chemin se rétrécit.
Le juge du fond devait vérifier si le prolongement en ligne droite du chemin, pour une largeur proche d’1,90 mètre, correspondait à l’assiette établie par destination lors du partage. Il lui appartenait d’examiner les indices matériels, les plans et la configuration des lieux à la date de division, afin d’identifier le tracé conforme aux signes apparents. Cette démarche s’inscrit dans le cadre strict de la prétention, qui vise la reconnaissance d’une assiette déterminée, et non l’élargissement opportuniste d’un passage existant.
B. Conséquences pratiques et office du juge de renvoi
La cassation est partielle. Elle préserve la solution relative au rejet d’un chef de dommages-intérêts, mais impose au juge de renvoi de reprendre l’examen de la servitude dans les limites de l’article 4. Le dispositif « CASSE ET ANNULE » puis « les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux » balise la suite procédurale. Le renvoi devra se concentrer sur la qualification de la prétention, l’analyse des pièces, et la recherche de l’assiette au regard des signes et de l’état des lieux à la division.
Cette solution renforce un enseignement classique de procédure civile, essentiel pour le contentieux des servitudes et des limites. La fidélité à l’objet de la demande garantit que l’examen de l’assiette ne se confond pas avec la création d’un passage différent. Elle contribue, en pratique, à sécuriser la délimitation des servitudes par destination, en cantonnant le débat à la vérification de l’assiette alléguée et à son adéquation aux critères légaux, sans dilution du litige.