Le Conseil d’État a rendu, le 30 décembre 2024, une décision relative à la communication de documents administratifs au sein d’une collectivité d’outre-mer. Un syndicat professionnel a sollicité la transmission d’un arrêté de prolongation, d’un document d’organisation et d’une fiche de poste en vigueur en août 2022. L’administration ayant gardé le silence, le requérant a saisi le tribunal administratif de Papeete afin d’obtenir l’annulation de ce refus implicite. Par une ordonnance du 30 mars 2023, le président de la juridiction a prononcé un non-lieu à statuer après la production tardive de pièces. Le syndicat a formé un pourvoi en cassation, reprochant au juge d’avoir considéré le litige comme éteint malgré une transmission manifestement incomplète. Le juge de cassation doit décider si la production d’une version actualisée d’un acte éteint l’objet du recours contre le refus initial. La haute juridiction annule l’ordonnance car « le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis » en ignorant les dates. L’analyse de cette dénaturation des faits permet de comprendre les exigences procédurales avant d’envisager les conditions de fond du non-lieu à statuer.
I. L’identification d’une dénaturation matérielle des pièces du dossier
A. La distinction nécessaire entre les versions successives des actes administratifs La collectivité prétendait avoir satisfait aux demandes du requérant en versant les documents litigieux au dossier lors de la phase de l’instruction contradictoire. Toutefois, le Conseil d’État relève que les pièces produites en défense présentaient des modifications substantielles intervenues après la date pivot du 8 août 2022. La haute juridiction précise qu’il s’agissait de « versions modifiées et non des versions demandées », soulignant ainsi l’absence d’identité matérielle entre les documents attendus. Cette précision chronologique demeure fondamentale car l’objet d’un recours pour excès de pouvoir s’apprécie normalement au jour de l’édiction de l’acte attaqué.
B. La sanction de l’erreur d’appréciation factuelle commise par le premier juge En affirmant que les documents avaient été effectivement communiqués, le président du tribunal administratif a commis une erreur manifeste de lecture des pièces produites. Le juge de cassation exerce un contrôle sur la dénaturation pour s’assurer que les faits n’ont pas été travestis par une interprétation manifestement erronée. Cette solution rappelle que le juge du fond doit vérifier scrupuleusement si la réponse de l’administration coïncide exactement avec les prétentions de la partie. L’annulation de l’ordonnance attaquée sanctionne ainsi une légèreté dans l’examen des éléments probatoires qui ont fondé la décision de clôturer prématurément l’instance.
II. L’encadrement rigoureux du non-lieu à statuer en matière de communication
A. L’insuffisance d’une transmission partielle pour éteindre l’objet du litige Le non-lieu à statuer suppose que le litige ait perdu son objet en cours d’instance par l’intervention d’une décision satisfaisant pleinement le requérant. La communication d’un document administratif récent ne saurait compenser le défaut de transmission d’un acte plus ancien lorsque celui-ci demeure nécessaire au demandeur. Le syndicat conservait un intérêt légitime à obtenir les versions précises de l’année 2022 pour contrôler la légalité des décisions de gestion passées. L’administration ne peut donc pas unilatéralement substituer un document à un autre pour tenter d’échapper au contrôle de légalité exercé par le juge administratif.
B. Le renvoi de l’affaire pour un examen effectif du droit à l’information Le Conseil d’État décide de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Papeete afin que les demandes initiales soient examinées au fond. Cette procédure garantit au justiciable que son droit à la communication, fondé sur le code des relations entre le public et l’administration, soit respecté. Le juge du fond devra désormais statuer sur l’obligation pour la collectivité de livrer les archives spécifiques correspondant exactement aux termes de la demande. La décision renforce ainsi la protection des usagers face aux stratégies d’évitement consistant à produire des documents non conformes pour obtenir un non-lieu.