Le Conseil d’État, dans sa décision du 15 mai 2025, se prononce sur les modalités de notification postale des jugements administratifs de première instance. Un administré a contesté devant le tribunal administratif de Paris un arrêté préfectoral portant refus de séjour et obligation d’éloignement du territoire français. La juridiction a rejeté sa requête le 11 octobre 2023, déclenchant ainsi l’envoi du jugement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel par une ordonnance du 30 janvier 2024, jugeant la demande tardive au regard des délais. Le requérant conteste cette appréciation en invoquant la date réelle de son retrait du pli au bureau de poste après une absence initiale. Le litige soulève la question du point de départ du délai d’appel lorsqu’un pli mis en instance est retiré avant son renvoi postal. La juridiction suprême annule l’ordonnance en affirmant que la notification est réputée accomplie au jour du retrait effectif par le destinataire concerné par l’acte.
L’analyse de l’interprétation des règles de notification précède l’examen des conséquences de cette erreur de droit sur la recevabilité de la requête d’appel.
I. La consécration du retrait effectif du pli comme point de départ du délai
A. Le cadre légal de la notification des décisions d’éloignement
Aux termes de l’article R. 776-9 du code de justice administrative, « le délai d’appel est d’un mois » à compter de la notification. Cette disposition impose une rigueur particulière dans la détermination du point de départ de ce délai pour garantir les droits de la défense. La Haute juridiction rappelle que ce délai court à partir du jour où le jugement a été régulièrement notifié à la partie intéressée.
B. La prévalence du retrait sur la simple présentation au domicile
En cas d’absence du destinataire, le Conseil d’État précise que la notification est accomplie à la date du retrait du pli mis en instance. Le juge souligne que « la notification est réputée accomplie à la date de ce retrait » si celui-ci intervient avant le renvoi postal. Cette solution écarte la date de la première présentation au domicile comme point de départ automatique des délais de recours contentieux en appel. Le droit au juge impose une réception effective de la décision pour que les délais de contestation commencent valablement à courir contre l’intéressé.
La méconnaissance de ce principe par le juge d’appel justifie l’annulation de son ordonnance pour erreur de droit manifeste dans la computation des délais.
II. La sanction d’une erreur de droit entachant l’ordonnance d’appel
A. L’inexacte appréciation des circonstances de fait par le magistrat
Le président de la troisième chambre de la cour administrative d’appel de Paris a retenu la date du 27 octobre 2023 pour l’appel. Or, le suivi postal démontre que le retrait effectif du pli n’a eu lieu que le 30 octobre 2023 au bureau de poste de secteur. En fixant le départ du délai à la présentation initiale, le juge a commis une erreur de droit affectant la recevabilité de l’appel.
B. La portée protectrice de la solution pour l’accès effectif au juge
Cette décision garantit que l’administré dispose de l’intégralité du délai légal pour organiser sa défense après avoir pris connaissance du jugement rendu. Le Conseil d’État protège ainsi le justiciable contre les aléas de la distribution postale qui pourraient amputer ses facultés de contestation devant les juridictions. L’annulation renvoie l’affaire devant la cour administrative d’appel de Paris pour qu’elle statue sur le fond du litige opposant les deux parties.