Le Conseil d’État, dans son arrêt rendu le 18 avril 2025, examine la validité d’un décret d’opposition à l’acquisition de la nationalité française pour motif d’indignité. Un ressortissant étranger, marié à une citoyenne française, a sollicité l’obtention de la nationalité par déclaration, conformément aux dispositions de l’article 21-2 du code civil. Par un acte réglementaire du 2 juillet 2024, le pouvoir exécutif a fait obstacle à cette demande en se fondant sur un comportement jugé incompatible avec la dignité nationale. Le requérant a alors introduit un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative suprême afin d’obtenir l’annulation de cette décision de refus d’acquisition. Il soutient que l’acte est entaché d’incompétence, de vices de procédure et d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la gravité des faits de violence qui lui sont reprochés. Le litige porte sur la possibilité pour l’administration de s’opposer à la naturalisation d’un individu condamné pour des violences sur mineurs alors qu’une procédure d’appel est pendante. Le Conseil d’État rejette la requête en considérant que la réitération et la nature des agissements suffisent à caractériser l’indignité prévue par l’article 21-4 du code civil. Cette décision conduit à étudier la régularité externe du décret de refus d’acquisition, puis à analyser la portée de la notion d’indignité retenue par le juge administratif.
I. La validité formelle et procédurale du décret d’opposition
A. La confirmation de la compétence de l’auteur de l’acte et de sa motivation Le requérant contestait initialement la signature du décret en invoquant une possible incompétence de l’autorité signataire, argument rapidement écarté par l’examen minutieux des pièces du dossier. Le Conseil d’État relève que « le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l’intérieur », garantissant ainsi sa parfaite régularité formelle. En outre, la Haute juridiction précise que l’acte mentionne les considérations de fait et de droit indispensables à l’information de l’administré, remplissant ainsi son obligation légale de motivation. Cette clarté rédactionnelle permet à l’intéressé de comprendre les griefs soulevés contre lui et assure le contrôle effectif du juge sur les motifs réels de l’opposition étatique.
B. Le respect des droits de la défense lors de l’instruction administrative La procédure d’opposition doit impérativement respecter les dispositions du décret du 30 décembre 1993, lesquelles prévoient une phase contradictoire préalable à toute décision défavorable à l’étranger. L’intéressé prétendait n’avoir pu présenter utilement ses observations, mais les éléments fournis attestent qu’il a été invité à exposer ses moyens de défense avant l’intervention du décret. Le juge administratif considère que l’administration a procédé à un examen particulier de la situation individuelle du demandeur sans négliger les éléments de réponse apportés par ce dernier. La procédure suivie apparaît donc exempte de vice, l’autorité administrative ayant scrupuleusement observé les garanties offertes aux postulants à la nationalité française par la législation en vigueur.
II. L’appréciation souveraine de l’indignité résultant de violences familiales
A. La caractérisation de l’indignité par la gravité des violences sur mineurs Le fond du litige repose sur l’existence de condamnations pour des faits de « violence suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours sur un mineur de 15 ans par un ascendant ». Pour confirmer l’indignité, le Conseil d’État s’appuie sur le « caractère récent », la « réitération » et la « gravité » de ces actes commis contre des membres vulnérables de la cellule familiale. L’acquisition de la nationalité par mariage exige une moralité irréprochable, incompatible avec des comportements portant une atteinte délibérée et répétée à l’intégrité physique et psychologique d’un enfant. Le juge valide ainsi l’analyse du Premier ministre, estimant que ces agissements révèlent une absence d’assimilation aux valeurs essentielles de la société française et aux principes de protection de l’enfance.
B. L’indépendance de la qualification d’indignité à l’égard des suites pénales Le requérant invoquait la circonstance qu’il avait interjeté appel du jugement pénal, espérant ainsi suspendre ou invalider les motifs ayant fondé l’opposition du Gouvernement à sa naturalisation. Le Conseil d’État écarte ce moyen en affirmant que l’existence d’un appel n’a aucune « incidence sur la légalité du décret », dès lors que la matérialité des faits est établie. L’autorité administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer si les agissements du postulant le rendent indigne de rejoindre la communauté nationale, indépendamment de la sentence pénale définitive. Cette solution réaffirme l’autonomie du droit de la nationalité, où la protection de l’intérêt général permet d’exclure les individus dont la conduite passée heurte frontalement l’ordre public.