Dans sa décision du 7 février 2025 (n° 495125), le Conseil d’Etat rejette le recours formé contre un décret d’extradition accordé par le Gouvernement aux autorités étrangères. Un ressortissant étranger sollicite l’annulation de cet acte du 13 mai 2024 autorisant sa remise pour des faits d’homicide volontaire et de destruction de traces. Le requérant invoque l’irrégularité formelle du texte, l’absence de motivation suffisante ainsi que la méconnaissance des stipulations conventionnelles relatives à la protection de la vie. Il soutient également que l’exécution de cette mesure l’exposerait à des traitements inhumains ou dégradants en raison du caractère prétendument incompressible de la peine encourue. La juridiction administrative doit déterminer si la législation de l’Etat requérant garantit l’absence de peine de mort et permet un aménagement effectif de la réclusion criminelle à perpétuité. Le Conseil d’Etat écarte l’ensemble des moyens en soulignant que le droit étranger prévoit la réclusion perpétuelle assortie d’une possibilité de libération conditionnelle après quinze années d’épreuve. Cette solution invite à analyser la régularité de l’acte et de l’ordre public (I), puis la conformité des peines perpétuelles aux exigences conventionnelles (II).
I. Le contrôle de la régularité de l’acte et la protection de l’ordre public national
A. La validité formelle et la motivation substantielle de l’acte d’extradition Le décret attaqué respecte les règles de compétence puisque les mentions de l’ampliation confirment la signature du Premier ministre et le contreseing du garde des sceaux. L’acte énonce précisément les considérations de fait et de droit constituant son fondement, satisfaisant ainsi à l’obligation de motivation prévue par le droit administratif.
B. L’absence de risque relatif à l’application de la peine capitale L’application de la peine de mort à une personne remise par l’Etat requis serait manifestement contraire à l’ordre public national selon la convention européenne. Le Conseil d’Etat relève que « la peine susceptible d’être prononcée pour les faits pour lesquels [le requérant] est poursuivi n’est pas la peine de mort ». Le Premier ministre n’était donc pas tenu de solliciter des assurances spécifiques de la part des autorités requérantes dès lors que la législation locale l’exclut. L’intégrité de la procédure étant établie, il convient d’examiner la nature des peines encourues au regard de la convention européenne des droits de l’homme.
II. La compatibilité de la peine perpétuelle avec les exigences conventionnelles
A. Le caractère compressible de la réclusion criminelle en droit étranger Le requérant affirme que la peine de réclusion à perpétuité présente un caractère incompressible incompatible avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde. La juridiction note toutefois que le code étranger de l’organisation pénitentiaire fixe le temps d’épreuve pour les condamnés perpétuels à quinze ans de détention. « Le détenu ayant accompli la période d’épreuve (…) peut être admis au bénéfice de la libération conditionnelle s’il justifie d’une bonne conduite » selon les textes. L’admission théorique d’une libération conditionnelle permet ainsi d’écarter le risque de traitement inhumain habituellement associé aux peines de réclusion criminelle perpétuelles et incompressibles.
B. L’écartement du grief tiré de l’existence de traitements inhumains ou dégradants L’existence de garanties sérieuses concernant l’aménagement de la peine prive de fondement le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations prohibant les traitements inhumains. La possibilité de demander une libération conditionnelle après quinze ans assure que la sanction n’est pas perpétuelle sans aucun espoir réel de sortie. Le Conseil d’Etat rejette logiquement la requête en validant l’extradition vers un Etat dont la législation nationale respecte les standards de protection juridique fondamentale.