Par une décision du 12 mars 2025, le Conseil d’État se prononce sur la suspension d’une motion départementale limitant l’accueil des mineurs étrangers. Le litige porte sur la réunion des conditions du référé-suspension prévues par l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Un conseil départemental a adopté une motion prévoyant de limiter la prise en charge des mineurs non accompagnés en raison de la saturation des services. Plusieurs associations ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon pour obtenir la suspension de cette délibération de principe. Par une ordonnance du 13 décembre 2023, le magistrat a rejeté la demande faute d’urgence caractérisée au moment de l’audience publique. Les requérants soutiennent devant la haute juridiction que l’acte contesté porte une atteinte immédiate aux intérêts qu’ils entendent défendre collectivement. Le juge doit déterminer si une déclaration d’intention politique de restreindre l’accueil social justifie une mesure de suspension juridictionnelle immédiate. Le Conseil d’État rejette le pourvoi en considérant que la motion ne crée pas par elle-même une situation d’urgence manifeste. L’étude de cette solution conduit à examiner la nature de l’acte contesté avant d’analyser les modalités du contrôle opéré par le juge.
I. La caractérisation de l’urgence face à un acte aux effets différés
A. L’absence d’atteinte grave et immédiate par la motion seule
La motion départementale manifeste la volonté des élus de limiter l’accueil des mineurs non accompagnés sur leur ressort territorial déterminé. Le juge rappelle que « l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate ». Dans cette espèce, le Conseil d’État estime que la simple délibération de principe ne produit pas d’effets juridiques instantanément préjudiciables. Les requérants ne démontrent pas que le texte attaqué modifie directement la situation matérielle des mineurs concernés à la date du jugement. L’acte reste une déclaration d’orientation dont les conséquences néfastes demeurent éventuelles pour les intérêts collectifs défendus par les associations.
B. La subordination de l’urgence à l’adoption de décisions individuelles
L’exécution concrète de la motion dépend d’actes d’application ultérieurs pris par l’autorité départementale compétente pour l’aide sociale à l’enfance. La haute assemblée précise que la mise en œuvre de la motion « nécessite l’adoption, par les autorités départementales, de décisions individuelles refusant une telle prise en charge ». L’urgence ne peut être caractérisée qu’au regard des mesures nominatives de refus qui léseraient effectivement un droit protégé. Cette distinction juridique empêche de regarder la motion comme la cause directe et certaine d’un dommage irréparable justifiant le référé. Le juge administratif privilégie ainsi une approche concrète de l’atteinte portée aux administrés par les décisions de la puissance publique.
II. La réaffirmation du caractère concret de l’appréciation du juge des référés
A. Le contrôle restreint du Conseil d’État sur l’appréciation souveraine des faits
Le juge de cassation vérifie la régularité du raisonnement suivi par le premier juge sans se substituer à son analyse factuelle. L’ordonnance attaquée retenait que la motion « ne saurait préjudicier de manière grave et immédiate qu’à la situation de mineurs étrangers pris individuellement ». Le Conseil d’État considère que le juge du tribunal administratif de Besançon n’a pas commis d’erreur de droit en statuant ainsi. L’appréciation souveraine des pièces du dossier ne révèle aucune dénaturation des faits commise par le juge des référés de première instance. Le contrôle de cassation se limite à la cohérence juridique de la motivation sans remettre en cause la conviction du magistrat.
B. La portée de la décision sur la protection effective des mineurs non accompagnés
La solution retenue préserve la possibilité pour chaque mineur de contester ultérieurement une décision individuelle de refus de prise en charge. Le Conseil d’État maintient une exigence d’objectivité en précisant que « l’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire ». Cette rigueur méthodologique évite la suspension systématique d’actes purement déclaratifs n’emportant pas d’effet juridique direct sur les administrés. La décision souligne l’importance des preuves concrètes de l’urgence pour faire échec à la présomption de légalité des actes administratifs. Les mineurs conservent le droit de saisir le juge dès qu’un acte d’application lèse réellement leur intérêt à une protection sociale.