Le Conseil d’État, par une décision rendue le 11 février 2025, précise le régime juridique des dépenses électorales et de leur remboursement forfaitaire. La juridiction administrative suprême se prononce sur l’intégration de frais de réparation automobile et de marquage publicitaire dans le compte d’un candidat. À l’occasion des élections régionales de juin 2021, un candidat tête de liste a contesté la réformation de son compte par la Commission nationale. L’autorité administrative avait notamment écarté des frais de réparation de véhicules et des dépenses liées à un flocage jugé irrégulier par ses services.
Le tribunal administratif de Paris, le 29 juin 2023, puis la cour administrative d’appel de Paris, le 22 décembre 2023, ont successivement statué sur ces points. Le Conseil d’État est désormais saisi de pourvois croisés émanant tant du candidat évincé que de l’organe de contrôle des comptes de campagne. La question posée concerne la nature des dépenses éligibles au remboursement et l’influence d’une irrégularité matérielle sur le droit à perception des fonds.
La Haute Juridiction considère que les réparations ne visent pas l’obtention des suffrages tandis que l’affichage irrégulier interdit tout remboursement de la part de l’État. L’examen de cette solution conduit à analyser l’exigence de finalité électorale avant d’étudier la sanction financière attachée aux pratiques de communication prohibées.
I. L’exclusion des frais de réparation dépourvus de finalité électorale
A. La négation du caractère électoral des dommages matériels
Le Conseil d’État censure la position des juges d’appel qui avaient réintégré les factures de remise en état des véhicules loués par le candidat tête de liste. Il estime que ces frais n’ont pas « pour finalité l’obtention des suffrages des électeurs », critère indispensable à la qualification de dépense électorale remboursable. Les dommages causés aux véhicules relèvent de la responsabilité contractuelle du locataire envers le loueur plutôt que de la stratégie de conquête de l’opinion publique. Bien que ces dépenses surviennent « à l’occasion de la campagne », elles demeurent étrangères à la sollicitation directe des citoyens selon les dispositions du code électoral.
B. La confirmation d’une interprétation stricte de l’article L. 52-12
Cette solution renforce la distinction entre les moyens matériels nécessaires au candidat et les actes visant explicitement la promotion de sa candidature devant les électeurs. La juridiction précise que les frais de réparation « n’ont pas eu pour fin de solliciter les suffrages » mais de solder un contentieux de droit privé. Le juge administratif limite ainsi le périmètre du compte aux seuls engagements financiers concourant directement à l’expression libre et éclairée du suffrage universel. Cette rigueur assure une égalité réelle entre les compétiteurs en évitant la prise en charge publique d’aléas purement matériels ou de négligences de conduite.
II. La sanction du remboursement des dépenses électorales irrégulières
A. La qualification d’affichage illicite pour le flocage mobile
Le candidat avait utilisé des véhicules utilitaires revêtus d’un flocage de larges dimensions comportant sa photographie ainsi que des slogans électoraux visibles par tous. Le Conseil d’État confirme que ce dispositif « excédait le marquage nécessaire au simple signalement » d’une permanence électorale mobile circulant sur la voie publique. Une telle pratique constitue un « affichage électoral apposé en dehors des emplacements autorisés » au sens des articles législatifs encadrant strictement la propagande électorale. La présence de visuels promotionnels sur des supports mobiles circulant dans la circonscription contrevient ainsi aux principes de neutralité et d’équilibre entre les listes.
B. L’impossibilité de remboursement d’une dépense entachée d’illégalité
L’irrégularité du procédé de communication entraîne mécaniquement l’exclusion de la somme correspondante du montant du remboursement forfaitaire qui est dû par l’État. Si la dépense figure techniquement au compte pour assurer sa transparence, elle ne peut être compensée par des fonds publics en raison de son illicéité. La décision fixe le remboursement final en déduisant la somme du flocage car « l’irrégularité de la dépense » fait obstacle à toute forme d’indemnisation étatique. Cette fermeté jurisprudentielle garantit le respect des emplacements d’affichage officiels et prévient toute dérive publicitaire lors des périodes de réserve électorale obligatoires.