5ème chambre du Conseil d’État, le 18 février 2025, n°489940

Par une décision rendue le 18 février 2025, le Conseil d’État précise les conditions de régularité de la procédure contradictoire devant les juridictions administratives. Un organisme de prestations sociales a réclamé à une allocataire le remboursement d’indus perçus au titre de l’aide personnalisée au logement. La juridiction de premier ressort, saisie d’un recours contre ces décisions, a rejeté la demande après une instruction ayant duré plusieurs mois. Un pourvoi en cassation a été formé contre ce jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise prononcé le 20 novembre 2023. La requérante soutient que la procédure suivie devant les premiers juges est irrégulière en raison d’un défaut de communication d’un mémoire. La question posée est de savoir si l’absence de transmission du premier mémoire en défense constitue un vice de procédure entraînant l’annulation. La haute juridiction annule le jugement car la méconnaissance de l’obligation de communication a pu avoir une influence sur l’issue du litige. L’étude de la garantie du caractère contradictoire précédera celle de la sanction de la méconnaissance des règles de procédure.

I. La garantie du caractère contradictoire de l’instruction juridictionnelle

A. Le fondement textuel de l’obligation de communication des mémoires

L’article R. 611-1 du code de justice administrative dispose que « la requête (…) et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties ». Cette règle assure que chaque protagoniste puisse discuter les arguments de son adversaire avant que le juge ne statue sur l’affaire. La décision du 18 février 2025 souligne que ces dispositions sont « destinées à garantir le caractère contradictoire de l’instruction » durant toute la phase écrite. Le respect de ce formalisme protège le droit fondamental à un procès équitable pour l’ensemble des justiciables devant le juge administratif. L’obligation pèse sur le greffe de la juridiction qui doit veiller à la transmission effective des pièces aux avocats ou aux parties.

B. La portée impérative de la transmission du premier mémoire en défense

Le Conseil d’État affirme que « la méconnaissance de l’obligation de communiquer le premier mémoire d’un défendeur (…) est en principe de nature à entacher la procédure d’irrégularité ». Cette solution consacre l’importance cruciale de la première réponse du défendeur pour la compréhension globale de la teneur du débat juridique. La juridiction administrative de Cergy-Pontoise n’avait pas transmis le mémoire enregistré le 27 octobre 2023 alors que l’instruction n’était pas encore close. L’absence de réplique possible pour la requérante crée un déséquilibre manifeste entre les parties lors de l’examen de la requête initiale. Les juges de cassation rappellent ainsi que le premier mémoire en défense ne peut jamais être soustrait à la connaissance du demandeur.

II. La sanction mesurée de la méconnaissance des règles de procédure

A. Le critère jurisprudentiel de l’absence de préjudice aux droits des parties

La méconnaissance de cette règle de forme n’entraîne pas l’annulation systématique de la décision juridictionnelle attaquée devant le juge de cassation. L’arrêt précise qu’il n’en va autrement que s’il ressort des pièces que « cette méconnaissance n’a pu préjudicier aux droits des parties ». Le juge administratif opère une distinction entre l’irrégularité formelle et la lésion réelle des intérêts de celui qui n’a pas reçu le document. Si le mémoire ne contient aucun élément nouveau ou n’influence pas le raisonnement du tribunal, la procédure peut être considérée comme régulière. Cette approche pragmatique évite des annulations inutiles lorsque le vice de procédure reste purement technique et sans conséquence sur le fond.

B. L’appréciation souveraine de l’influence potentielle sur le sens de la décision

Dans cette espèce, le Conseil d’État estime que l’irrégularité « ne saurait, eu égard aux motifs retenus par le juge, être regardée comme n’ayant pu avoir d’influence ». Le tribunal s’est fondé sur des éléments apportés par l’organisme social sans que la requérante puisse les contester utilement durant l’instruction. La haute juridiction exerce un contrôle rigoureux sur le lien entre le défaut de communication et le sens final du jugement rendu. Cette annulation impose un renvoi de l’affaire devant le même tribunal administratif afin qu’un débat contradictoire complet puisse enfin se tenir. La solution retenue confirme la vigilance constante du juge de cassation quant au respect des droits de la défense lors de l’instance.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture