Le Conseil d’État, par une décision du 2 octobre 2025, précise les conditions d’échange d’un permis de conduire délivré par le Royaume-Uni. Un conducteur titulaire d’un titre français obtenu en 1987 sollicite l’échange de son permis britannique acquis par conversion en 1996. Le préfet refuse de reconnaître plusieurs catégories de véhicules par une décision administrative prise le 21 octobre 2021. Le tribunal administratif de Versailles annule ce refus partiel le 19 mars 2024 et ordonne l’échange complet du titre de conduite. Le ministre de l’intérieur saisit la juridiction suprême pour contester la reconnaissance de la catégorie A et des mentions nationales spécifiques. L’administration peut-elle refuser l’échange en cas d’erreur de l’autorité étrangère ou d’absence d’équivalence réglementaire pour certaines catégories de permis ? La Haute Juridiction considère que l’autorité administrative doit s’assurer de la validité des droits et que les codes nationaux sont inopposables.
I. La primauté de la réalité des droits sur l’apparence du titre
L’échange d’un permis de conduire étranger impose à l’administration française de contrôler l’existence effective des droits de l’intéressé sur le territoire d’origine.
A. L’obligation de contrôle de l’authenticité des droits à conduire
L’article 8 de l’arrêté du 9 février 1998 impose la vérification de « l’authenticité du titre » et de la « validité des droits à conduire ». Le Conseil d’État rappelle ici que cette mission de vérification constitue une condition préalable indispensable à toute délivrance d’un titre français équivalent. Le préfet ne saurait se contenter d’une simple lecture matérielle des mentions portées sur le document présenté par le demandeur de l’échange. Cette solution protège la sécurité routière en évitant la reconnaissance de droits indus ou inexistants au moment de la demande de conversion. La décision administrative repose sur la confirmation obtenue auprès des autorités de l’État ayant délivré le permis de conduire initial ou converti.
B. L’incidence d’une erreur administrative de l’autorité émettrice
Les autorités britanniques ont indiqué que la mention de la catégorie A résultait d’une « erreur administrative qu’elles avaient commise » antérieurement. Le Conseil d’État juge que cette information non contredite justifie légalement le refus de l’administration française de reconnaître cette catégorie spécifique. Le tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en annulant la décision préfectorale sans rechercher si ce motif était fondé. La réalité des droits s’apprécie au regard des fichiers de l’État émetteur et non des seules mentions potentiellement erronées du support physique. Cette approche assure une cohérence transfrontalière et prévient l’exportation d’erreurs matérielles manifestes entre les différentes administrations nationales de l’Union européenne.
II. L’exclusion des catégories étrangères dépourvues d’équivalence
Le litige porte également sur des catégories de permis britanniques qui ne trouvent aucune correspondance dans la nomenclature française définie par le code de la route.
A. L’inopposabilité des codes nationaux spécifiques au Royaume-Uni
Le permis britannique comportait les catégories f, k, l, n, p et q, lesquelles sont associées à des codes numériques nationaux spécifiques. Ces codes sont définis par la directive européenne 2006/126/CE comme des « codes nationaux valables uniquement en circulation sur le territoire de l’État ». Le juge administratif souligne que ces mentions particulières ne correspondent à aucune des catégories de permis de conduire énumérées par le droit français. L’absence d’équivalence empêche toute opération d’échange pour ces droits dont l’exercice est circonscrit au seul territoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne. Le tribunal administratif ne pouvait donc pas enjoindre au préfet de délivrer un titre français portant mention de ces catégories purement locales.
B. Le respect de la nomenclature réglementaire des catégories de permis
Le Conseil d’État consacre une interprétation rigoureuse des règles de reconnaissance mutuelle des permis de conduire au sein de l’espace juridique européen. La décision énonce que le juge du fond a méconnu les dispositions réglementaires en obligeant l’administration à valider des droits non prévus. La nomenclature des catégories de permis de conduire répond à des standards harmonisés qui interdisent l’intégration discrétionnaire de privilèges de conduite étrangers. L’échange d’un permis étranger se limite strictement aux droits équivalents reconnus par les arrêtés ministériels fixant les conditions de réciprocité internationale. Cette solution garantit l’uniformité du permis de conduire national et évite toute distorsion de traitement entre les usagers de la route.