5ème chambre du Conseil d’État, le 21 juillet 2025, n°472382

Le Conseil d’État, par une décision rendue le 21 juillet 2025, se prononce sur les modalités d’indemnisation du besoin d’assistance par une tierce personne. Un homme a développé une narcolepsie sévère à la suite d’une vaccination contre le virus de la grippe A effectuée durant l’année 2009. L’établissement public chargé de l’indemnisation des accidents médicaux a admis le lien de causalité mais a proposé une réparation jugée insuffisante par la victime. Le tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du 21 octobre 2021, a condamné l’établissement à verser une indemnité en réparation des préjudices subis. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Paris a réduit le montant alloué par un arrêt du 24 janvier 2023. La juridiction d’appel a refusé d’indemniser l’assistance pour les études au motif que la réalité de cette aide n’était pas établie. Le requérant soutient que l’indemnisation d’un tel besoin ne saurait être subordonnée à la preuve des dépenses effectivement engagées par sa famille. La haute juridiction doit déterminer si l’indemnisation du recours à une aide humaine dépend de la production de justificatifs attestant de son effectivité. Le Conseil d’État annule partiellement l’arrêt au motif que le juge doit évaluer le préjudice au regard des seuls besoins révélés par l’instruction. L’analyse portera sur l’autonomie du droit à réparation par rapport aux dépenses réelles avant d’étudier la sanction de l’exigence probatoire imposée par les juges d’appel.

I. L’autonomie de l’indemnisation au regard des dépenses effectives

A. Une évaluation objective fondée sur les besoins de la victime Le juge administratif évalue l’indemnité due pour l’assistance d’une tierce personne en se fondant sur les besoins identifiés de la victime. Il doit déterminer le montant « en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir » sans aucune restriction préalable. Il doit retenir « un taux horaire permettant, dans les circonstances de l’espèce, le recours à l’aide professionnelle d’une tierce personne d’un niveau de qualification adéquat ». Cette approche garantit une réparation intégrale du préjudice corporel indépendamment des ressources financières dont dispose initialement la personne lésée par l’accident.

B. L’indifférence des modalités de réalisation de l’assistance Le Conseil d’État rappelle que le juge n’est pas lié par les débours effectifs dont la victime peut éventuellement justifier lors de l’instance. Il n’appartient pas au magistrat de tenir compte de la circonstance « que l’aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ». Le droit à indemnisation demeure entier même si l’assistance est fournie par un proche ou si la victime n’a pas sollicité d’aide professionnelle. La gratuité apparente d’une entraide familiale ne saurait ainsi profiter à l’organisme chargé de la solidarité nationale pour réduire sa dette de réparation.

II. La censure d’une exigence de preuve indue de l’aide effective

A. L’erreur de droit relative à la justification des débours La cour administrative d’appel de Paris a jugé le préjudice non établi car il ne résultait pas de l’instruction qu’une aide fut apportée. Elle a exigé à tort la production de justificatifs attestant de l’intervention réelle d’une tierce personne durant le cursus universitaire suivi par l’intéressé. Cette exigence probatoire méconnaît le principe selon lequel l’indemnisation répare une atteinte à l’intégrité physique plutôt qu’une simple sortie de trésorerie constatée. Le Conseil d’État sanctionne ce raisonnement en soulignant que le droit à réparation naît de la seule existence d’un besoin médicalement constaté par l’expert.

B. La primauté de l’expertise dans l’établissement du préjudice Pour rechercher si le préjudice doit être indemnisé, le juge doit seulement tenir compte des « besoins de la victime tels qu’ils ressortaient notamment des rapports d’expertise ». L’expertise médicale constitue le socle de l’évaluation judiciaire sans que des preuves comptables ou des attestations familiales complémentaires ne soient strictement exigées. Le juge doit seulement déduire, le cas échéant, les prestations reçues ayant eu le même objet pour éviter un enrichissement sans cause de la victime. Cette décision renforce la protection des administrés en assurant que la solidarité nationale couvre l’intégralité des nécessités d’assistance générées par le dommage.

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Hassan KOHEN
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