5ème chambre du Conseil d’État, le 21 juillet 2025, n°497775

Le Conseil d’État, dans sa décision du 21 juillet 2025, précise les conditions d’imputabilité au service d’un accident survenu lors d’un mandat syndical.

Une représentante syndicale a participé le 2 mai 2017 à un entretien disciplinaire au sein d’un établissement hospitalier. Une altercation physique s’est produite avec le directeur des ressources humaines au sujet d’un document administratif. L’agent a subi une contusion à la main gauche lors de cet incident survenu dans les locaux de l’institution.

L’administration a refusé de reconnaître le caractère professionnel de cet événement par une décision du 14 décembre 2018. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande d’annulation de cet acte le 28 avril 2022. La cour administrative d’appel de Versailles a cependant infirmé ce jugement le 11 juillet 2024. Elle a considéré que l’incident constituait un accident de service malgré le comportement de la requérante. L’établissement hospitalier a alors formé un pourvoi en cassation devant la haute juridiction administrative.

Le litige soulève la question de savoir si une faute commise par un agent pendant son service écarte nécessairement la présomption d’imputabilité.

Le Conseil d’État rejette le pourvoi en confirmant que la faute, peu grave, ne détache pas l’accident du service.

I. La reconnaissance d’un accident de service dans l’exercice des fonctions

A. La mise en œuvre de la présomption légale d’imputabilité

Le juge rappelle que tout accident survenu dans le temps et le lieu du service est présumé imputable à celui-ci. Cette règle découle de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le texte prévoit que l’accident est de service en l’absence de faute personnelle ou de circonstance particulière. La jurisprudence administrative applique strictement ce cadre pour protéger les agents victimes d’un dommage physique sur leur lieu de travail.

L’événement litigieux s’est produit lors d’un entretien institutionnel dont le caractère professionnel n’était pas contesté par les parties. La lésion constatée à la main résulte directement d’une action physique menée au cours de cette réunion administrative. Le Conseil d’État valide ainsi l’application des principes généraux relatifs à la protection des fonctionnaires contre les risques de leur métier.

B. L’inclusion de l’activité syndicale dans le cadre du service

Le représentant syndical bénéficie de la protection statutaire lorsqu’il exerce ses prérogatives de défense des intérêts des agents. La participation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire constitue un prolongement normal des missions de représentation. Le juge considère que l’accident est survenu « dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice » des fonctions de l’intéressée. Cette interprétation extensive du service assure une autonomie réelle aux acteurs du dialogue social dans la fonction publique.

L’implication d’un cadre de direction dans l’altercation confirme l’inscription de l’incident dans la vie collective de l’organisation. L’activité de représentation ne doit pas être traitée différemment des tâches techniques ou administratives habituelles de l’agent. Le lien avec le service demeure établi tant que l’agent n’agit pas pour des motifs purement personnels.

II. L’incidence limitée d’une faute non détachable sur l’imputabilité

A. La qualification d’une faute de service de gravité relative

Le juge administratif admet que la requérante a commis une erreur en tentant de s’emparer d’un document administratif. Cette action est qualifiée de faute par la cour administrative d’appel de Versailles dans son arrêt du 11 juillet 2024. Le Conseil d’État observe toutefois que cette faute a « revêtu une gravité relative » au regard des circonstances locales. Elle ne présente pas les caractéristiques d’une faute personnelle susceptible de rompre le lien avec l’administration.

La décision souligne que l’incident s’est déroulé dans une « ambiance tendue » propre aux procédures disciplinaires conflictuelles. L’agent a agi dans le but de servir son mandat, même si les moyens employés ont manqué de discernement. Cette faute professionnelle est donc absorbée par le risque de service sans priver la victime de ses droits statutaires.

B. Le contrôle restreint du juge de cassation sur les faits

Le Conseil d’État refuse de remettre en cause l’appréciation souveraine portée par les juges du fond sur la réalité des témoignages. La haute juridiction vérifie seulement que la cour n’a pas « inexactement qualifié les faits » qui lui étaient soumis. L’ambiguïté entourant les conditions exactes de la blessure n’empêche pas la qualification juridique globale de l’événement. Le juge de cassation valide le raisonnement consistant à maintenir l’imputabilité malgré l’existence d’une part de responsabilité de l’agent.

La solution renforce la sécurité juridique des agents face aux aléas des relations humaines au sein des services publics. L’exclusion de l’imputabilité suppose désormais une rupture nette avec les obligations professionnelles ou une intention malveillante caractérisée. Cette jurisprudence équilibrée protège la victime tout en reconnaissant les imperfections possibles du comportement individuel au travail.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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