Par une décision rendue le 7 mai 2025, le Conseil d’Etat se prononce sur le régime juridique des métaux issus de la crémation. Une société requérante a sollicité l’abrogation des dispositions réglementaires encadrant la récupération de ces matériaux par les gestionnaires de crématoriums. Suite au silence gardé par l’autorité administrative, la requérante a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette décision implicite de rejet. Le Conseil d’Etat a préalablement renvoyé une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel relative aux dispositions législatives servant de fondement au décret. Par une décision du 18 janvier 2024, le juge constitutionnel a déclaré les dispositions législatives conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution française. La société soutient que le décret méconnaît les principes d’inviolabilité du corps humain ainsi que le droit de propriété des ayants-droit. Le juge administratif doit déterminer si la valorisation des métaux issus de la crémation contrevient aux normes supérieures protégeant l’intégrité de la personne humaine. Le Conseil d’Etat rejette la requête en soulignant que les métaux sont distincts des cendres et que le règlement découle nécessairement de la loi.
I. L’affirmation du cadre législatif contraignant le pouvoir réglementaire
A. Le caractère inopérant des moyens dirigés contre des dispositions législatives
Le Conseil d’Etat souligne que les modalités d’affectation des sommes tirées de la cession « découlent nécessairement » des dispositions du code général des collectivités territoriales. En conséquence, les critiques relatives au principe de non-affectation des recettes publiques se révèlent inopérantes devant le juge de l’excès de pouvoir. Cette solution rappelle que le décret ne fait qu’organiser une procédure dont les principes cardinaux ont été fixés par le législateur. La requérante ne peut donc utilement contester la destination des fonds sans remettre en cause la loi elle-même. Or, la conformité de la loi aux principes constitutionnels a déjà été scellée par le Conseil constitutionnel le 18 janvier 2024.
B. La distinction opérée entre les cendres et les métaux de crémation
La haute juridiction administrative confirme que « les métaux issus de la crémation, quand bien même ils proviendraient d’objets antérieurement intégrés au corps du défunt, sont distincts des cendres ». Cette précision capitale permet d’extraire ces résidus métalliques du régime juridique protecteur appliqué aux restes mortels de la personne humaine. En refusant d’assimiler ces métaux aux cendres, le juge valide une récupération d’office par les gestionnaires sans méconnaître l’intégrité du défunt. Cette qualification juridique justifie ainsi la cession ultérieure des métaux, qu’elle soit réalisée à titre gratuit ou onéreux selon les circonstances. La solution garantit une gestion technique simplifiée des résidus après le processus de crémation.
II. La conciliation entre valorisation économique et respect des droits fondamentaux
A. L’écartement des principes civils d’indisponibilité du corps humain
L’argumentation fondée sur la méconnaissance des principes d’inviolabilité et d’indisponibilité du corps humain est écartée par la décision du 7 mai 2025. Le juge estime que la valorisation d’éléments ayant « antérieurement fait partie du corps humain » ne porte pas atteinte au code civil. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit de propriété des ayants-droit est également jugé inopérant en raison du fondement législatif du décret. Les métaux récupérés n’étant pas considérés comme des reliques, ils peuvent recevoir une valeur patrimoniale sans heurter la dignité humaine. Cette approche pragmatique permet d’affecter le produit des cessions à des œuvres d’intérêt général ou au financement des obsèques indigentes.
B. La validation de la récupération des métaux au regard des textes européens
La société requérante n’établit pas la violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La récupération d’office par le gestionnaire ne constitue pas un traitement inhumain ou une ingérence disproportionnée dans la vie privée des familles. Le Conseil d’Etat écarte aussi toute contradiction avec l’article 3 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur l’intégrité. Le décret litigieux ne crée aucune disposition propre capable de porter atteinte à ces stipulations conventionnelles ou fondamentales supérieures. Le cadre réglementaire français apparaît ainsi pleinement compatible avec les exigences internationales relatives au respect de la personne et de la dépouille. La sécurité juridique des gestionnaires de crématoriums se trouve confortée par cette décision de rejet.