6ème chambre du Conseil d’État, le 8 juillet 2025, n°492064

Le Conseil d’État a rendu, le 8 juillet 2025, une décision précisant les conditions de légalité d’un arrêté fixant les tarifs d’une redevance de communication. Cette somme finance des actions nationales destinées à informer le public sur la prévention des déchets au sein des filières de responsabilité élargie. Une société agréée contestait les modalités de calcul et la répartition de cette charge financière entre les différents organismes chargés de la gestion des déchets.

Par un arrêté du 14 décembre 2023, l’autorité ministérielle a fixé les tarifs de la redevance due pour l’année 2023 par les systèmes individuels et les éco-organismes. La société requérante a alors saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de cet acte réglementaire. Elle critiquait principalement la méthode de détermination de l’assiette des charges et l’absence de mécanisme de réfaction tarifaire pour sa propre filière.

La requérante soutenait que le ministre avait méconnu les dispositions du code de l’environnement en retenant des données prévisionnelles pour les nouveaux organismes agréés. Elle invoquait également une rupture d’égalité devant les charges publiques et l’absence de contrepartie réelle pour les prestations de communication engagées par l’État. Selon elle, le tarif imposé ne correspondait pas à la valeur du service effectivement rendu aux usagers de la filière du bâtiment.

Le problème de droit soumis à la haute juridiction consistait à déterminer si le tarif d’une redevance peut être légalement assis sur des données prévisionnelles. Il s’agissait aussi de savoir si une campagne de communication nationale bénéficie nécessairement à l’ensemble des acteurs, justifiant ainsi l’absence de réduction de la contribution. Enfin, le juge devait apprécier si la différence de traitement entre les organismes selon leur date d’agrément respectait le principe d’égalité.

Le Conseil d’État rejette la requête en considérant que l’utilisation de l’année prévisionnelle permet de refléter fidèlement les capacités financières des structures nouvellement agréées. Il estime que les actions d’information profitent à tous les acteurs, sans que les tarifs de 0,16 % ne présentent un caractère manifestement disproportionné. La décision examine d’abord la validité des modalités de calcul de la redevance (I) avant d’analyser sa conformité au principe d’égalité (II).

**I. La validité des modalités de calcul de la redevance de communication**

**A. La pertinence de la période de référence pour l’assiette des charges**

L’autorité investie du pouvoir réglementaire peut légalement retenir l’année prévisionnelle mentionnée dans le dossier d’agrément comme base de calcul pour les organismes récemment créés. Cette méthode permet de déterminer les contributions financières des structures n’ayant pas exercé leur activité durant l’intégralité de l’année civile servant habituellement de référence. Le juge considère que ces données sont réputées « refléter fidèlement les montants que ces derniers percevront ensuite de manière effective » au titre de leur mission. Cette solution assure une continuité dans le financement des politiques publiques de gestion des déchets malgré les évolutions constantes du paysage des éco-organismes agréés.

L’utilisation de données prospectives prévient toute exonération injustifiée des nouveaux entrants qui bénéficient pourtant, dès leur agrément, des actions de communication menées par l’État. En validant cette pratique, le Conseil d’État protège l’équilibre financier du dispositif inter-filières tout en respectant les objectifs de prévention fixés par le législateur. La période de référence ainsi choisie n’est pas entachée d’erreur de droit, car elle répond à la nécessité d’évaluer les charges sur une période pertinente.

**B. L’admission d’un bénéfice global des actions de communication inter-filières**

L’existence d’une contrepartie au profit de l’assujetti s’apprécie au regard de l’objectif global de compréhension des gestes de tri par le public national. La campagne d’information engagée pour l’année 2023 a bénéficié à l’ensemble des organismes, même si leur signalétique propre n’était pas encore totalement déployée. Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à réclamer une réfaction tarifaire dès lors que les messages diffusés concourent aux objectifs de sa filière. Le juge administratif confirme que les prestations d’études et de production fournies par l’État trouvent leur justification dans l’amélioration générale de la gestion environnementale.

L’absence de mécanisme de réduction automatique n’entache pas la légalité de l’arrêté puisque l’utilité des actions de communication est reconnue pour chaque secteur d’activité. Les actions menées par l’administration « bénéficient aux éco-organismes de l’ensemble des filières », ce qui exclut toute obligation de moduler le tarif selon l’avancement technique. L’examen de la régularité des tarifs conduit également à s’interroger sur le respect des équilibres entre les différentes catégories d’assujettis à cette taxe.

**II. La conformité au principe d’égalité et au régime des redevances**

**A. La proportionnalité du tarif au regard du service effectivement rendu**

Une redevance pour service rendu doit trouver sa contrepartie directe dans une prestation fournie au bénéfice propre d’usagers déterminés par l’administration. En l’espèce, les tarifs fixés à 0,16 % des contributions perçues ne sont pas « manifestement disproportionnés par rapport au coût de ces prestations » comptabilisées. Les documents financiers produits attestent de la réalité des dépenses engagées par l’État pour le financement de la campagne d’information nationale nommée Info-tri. La règle d’équivalence entre la valeur du service assuré et le tarif appliqué est ainsi strictement respectée par le pouvoir réglementaire.

Le Conseil d’État vérifie que le produit de la redevance n’excède pas les plafonds légaux et correspond aux coûts réels supportés pour la communication publique. Cette approche pragmatique permet de valider le montant réclamé tout en garantissant que la contribution ne se transforme pas en une imposition de toute nature. La proportionnalité de la somme exigée assure la sécurité juridique du financement des politiques de responsabilité élargie des producteurs face aux contestations des éco-organismes.

**B. La justification objective des différences de traitement entre assujettis**

Le respect du principe d’égalité autorise l’administration à traiter différemment des situations distinctes, pourvu que l’intérêt général justifie cette divergence de traitement. Les organismes agréés depuis moins de six mois ne disposent pas d’un délai suffisant pour tirer pleinement parti de la signalétique nationale en vigueur. L’arrêté attaqué tient compte de cette différence temporelle objective pour moduler le montant des contributions réclamées aux acteurs du secteur de la construction. Cette distinction repose sur des critères en rapport direct avec l’objet de la norme et ne présente aucun caractère manifestement disproportionné.

La décision souligne que les éco-organismes récemment agréés ne peuvent se voir appliquer une assiette de calcul identique à celle des structures déjà bien établies. En tenant compte de la date d’agrément, l’autorité ministérielle a instauré une différence de traitement cohérente avec les capacités opérationnelles de chaque entité. Le juge écarte ainsi le moyen tiré de la rupture d’égalité, confirmant la validité du cadre réglementaire applicable au financement des actions de communication.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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