Par une décision rendue le 20 décembre 2024, le Conseil d’État précise les modalités de liquidation de la pension civile d’un ancien fonctionnaire. L’intéressé avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2021 sur la base d’un indice spécifique. Un décret modifiant le statut particulier de son corps a toutefois entraîné son reclassement rétroactif dans un grade doté d’un indice inférieur. L’administration a révisé son titre de pension en tenant compte de ce nouvel ordonnancement statutaire malgré le maintien d’un indice personnel supérieur. Le tribunal administratif de Bordeaux, par un jugement du 9 mai 2023, a annulé cet arrêté de concession de pension en faveur du demandeur. Le ministre chargé de l’économie a formé un pourvoi en cassation afin de contester le bénéfice de la garantie d’indice appliquée par les juges. La juridiction doit déterminer si le reclassement consécutif à une réforme statutaire ouvre droit à la garantie prévue par l’article L. 20 du code. Le Conseil d’État annule le jugement attaqué en jugeant qu’une réforme statutaire ne constitue ni une promotion ni un reclassement pour inaptitude physique. L’étude de cette décision impose d’analyser l’exclusion des réformes statutaires du mécanisme protecteur (I), puis la prépondérance du grade effectif lors de la liquidation (II).
I. L’exclusion des réformes statutaires du mécanisme protecteur de l’indice
A. La distinction entre promotion individuelle et reclassement collectif
Le tribunal administratif avait considéré que le retraité pouvait se prévaloir d’un indice avantageux en application de l’article L. 20 du code des pensions. Cette disposition prévoit qu’en aucun cas la pension « ne peut être inférieure à celle qu’aurait obtenue le titulaire s’il n’avait pas été promu ». Les juges de premier ressort ont assimilé le reclassement rétroactif subi par l’agent à une situation devant être couverte par cette garantie financière. Le Conseil d’État censure ce raisonnement en rappelant que la protection concerne uniquement l’avancement de grade ou le reclassement pour inaptitude physique spécifique. La haute instance souligne qu’un agent reclassé lors d’une réforme statutaire ne peut être regardé comme ayant bénéficié d’une promotion de grade.
B. L’interprétation stricte du champ d’application de l’article L. 20
Le rétablissement du fonctionnaire dans une classe normale découle d’un mécanisme de reclassement collectif prévu par le décret du 21 décembre 2020. Ce processus diffère de la promotion individuelle par laquelle un agent accède de manière volontaire à des échelons supérieurs de sa hiérarchie administrative. La décision querellée se borne à tirer les conséquences comptables d’un nouvel état du droit applicable à l’ensemble des membres du corps concerné. Le Conseil d’État affirme que les cas d’application de l’article L. 20 sont limitativement énumérés par la loi et ne sauraient être étendus. La stabilité de la pension n’est garantie que face à des évolutions de carrière individuelles dont les effets s’avéreraient paradoxalement préjudiciables pour l’intéressé.
II. La prépondérance du grade effectivement détenu lors de la liquidation
A. La rigueur de la condition de détention effective du grade
La liquidation des droits repose sur l’article L. 15 exigeant le traitement afférent au grade effectivement détenu depuis au moins six mois de service. Cette exigence temporelle empêche les promotions de dernière minute destinées uniquement à augmenter le montant de la future pension de vieillesse du fonctionnaire. Le reclassement rétroactif a mécaniquement modifié l’indice rattaché au grade occupé durant la période de référence légale précédant le départ à la retraite. Le juge administratif considère que seul l’indice correspondant au grade tel qu’il résulte du statut réformé doit servir de base au calcul. La règle des six mois s’applique aux nouvelles conditions indiciaires définies par le décret malgré leur intervention postérieure à la cessation des services.
B. L’inefficience des garanties indiciaires personnelles sur la pension
Le bénéfice du maintien d’un indice supérieur à titre personnel ne confère aucun droit à une liquidation de pension sur cette base pécuniaire. L’article 15 du décret prévoit que les fonctionnaires conservent leur indice antérieur jusqu’au jour où ils bénéficient d’un indice au moins égal. Cette garantie de rémunération durant l’activité ne se transpose pas automatiquement aux modalités de calcul de la pension civile après la radiation. Le Conseil d’État rejette les arguments fondés sur le principe d’égalité dès lors que le calcul résulte d’une exacte application des règles. Le droit à pension demeure strictement lié aux indices réglementaires attachés aux grades et exclut les avantages personnels ou les indemnités compensatrices.