Le Conseil d’État, par une décision du 7 février 2025, s’est prononcé sur l’étendue de la prise en charge des honoraires d’avocat au titre de la protection fonctionnelle. Un enseignant titulaire, victime de harcèlement moral, a sollicité une provision pour couvrir ses frais de défense engagés devant les juridictions administratives et pénales. L’administration lui avait accordé le bénéfice de cette protection mais refusait de rembourser l’intégralité des sommes demandées par le requérant pour ses recours indemnitaires.
Le juge des référés du tribunal administratif de Melun a fait droit partiellement à cette demande par une ordonnance rendue le 22 janvier 2024. Saisie en appel par l’autorité administrative, la cour administrative d’appel de Paris a toutefois annulé cette décision et rejeté la demande de provision le 13 juin 2024. Le requérant s’est alors pourvu en cassation contre cette ordonnance en soutenant que les frais exposés devant le juge administratif devaient être couverts par son employeur.
La question posée au Conseil d’État consistait à déterminer si les instances administratives engagées par un agent entrent dans le champ des frais remboursables par la collectivité. La haute juridiction répond par l’affirmative en censurant le raisonnement restrictif de la cour administrative d’appel qui limitait la protection aux seules instances civiles et pénales. Cette solution repose sur une interprétation large des textes régissant la fonction publique afin de garantir une réparation effective de l’agent lésé. Il convient d’étudier l’admission de la prise en charge des frais de procédure administrative (I) avant d’analyser l’affermissement de l’obligation de protection (II).
I. L’admission de la prise en charge des frais de procédure administrative
A. Le dépassement d’une lecture restrictive des textes La cour administrative d’appel de Paris avait initialement jugé que les dispositions législatives faisaient obstacle à la prise en charge des frais exposés devant la juridiction administrative. Elle s’appuyait sur une lecture littérale du code général de la fonction publique mentionnant uniquement les frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales. Le juge administratif affirme désormais que l’instance engagée devant lui pour des faits ouvrant droit à la protection « doit être regardée comme entrant dans les prévisions » législatives. Cette approche permet de ne pas léser l’agent qui choisit la voie administrative pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de ses fonctions.
B. La clarification de l’assiette des frais couverts L’ordonnance attaquée est annulée car le juge d’appel a commis une erreur de droit en excluant par principe les frais liés au contentieux administratif. La décision précise que les démarches précontentieuses et contentieuses visant l’indemnisation du harcèlement moral ou le renouvellement d’un congé d’invalidité sont éligibles à la protection. L’autorité administrative doit assister son agent dans les poursuites judiciaires qu’il entreprendrait pour se défendre contre les attaques subies selon les circonstances de l’espèce. L’obligation de prise en charge ne se limite plus aux procédures dirigées contre les tiers devant les juridictions de l’ordre judiciaire classique.
II. L’affermissement de l’obligation de protection à l’égard de l’agent public
A. La finalité réparatrice de la protection fonctionnelle La haute assemblée souligne que l’obligation de protection a pour objet de faire cesser les attaques mais aussi d’assurer une « réparation adéquate des torts » subis par l’agent. Cette mission de la puissance publique constitue une garantie fondamentale à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d’intérêt général dûment justifiés. Le juge administratif vérifie ainsi que les mesures prises par l’autorité compétente permettent de remplir intégralement cette obligation de sécurité et de soutien. En intégrant les frais de procédure administrative, le Conseil d’État reconnaît que la défense de l’agent passe nécessairement par la contestation des actes administratifs connexes.
B. Une solution garantissant l’effectivité des droits de l’agent Cette décision renforce considérablement l’effectivité des droits des agents en facilitant l’accès au juge administratif sans crainte d’une charge financière excessive pour leur défense. Le juge des référés doit accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable au regard des frais réellement exposés par le demandeur. La solution de cassation oblige l’administration à assumer les conséquences pécuniaires des litiges nés de l’exercice des fonctions, même lorsqu’ils se déroulent devant les juridictions administratives. Les agents bénéficiant de la protection fonctionnelle pourront obtenir le remboursement de leurs honoraires d’avocat pour tout recours utile à la défense de leurs intérêts.