Par une décision rendue le 17 juin 2025, le Conseil d’État précise les conditions d’appréciation de l’urgence dans le cadre d’un référé-suspension. Un ressortissant étranger bénéficiant de la protection subsidiaire sollicitait le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle auprès de l’autorité préfectorale. L’administration a opposé un refus implicite à cette demande, ce qui a provoqué la saisine de la juridiction de premier ressort. Le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de suspension de cette décision le 4 février 2025. Ce magistrat a estimé que l’urgence faisait défaut en raison de l’ancienneté du litige et de l’absence de risque immédiat d’éloignement. Le requérant a donc formé un pourvoi en cassation devant la Haute juridiction administrative pour obtenir l’annulation de cette ordonnance. La question posée concerne la portée de la présomption d’urgence attachée au refus de renouvellement d’un titre de séjour pour un étranger. Le Conseil d’État censure le raisonnement du premier juge avant de statuer lui-même sur la demande de référé en tenant compte des faits nouveaux. La solution repose sur la confirmation de la présomption d’urgence en la matière et sur son évaluation concrète au jour de l’ordonnance.
I. La consécration d’une présomption d’urgence protectrice du droit au séjour
A. Le maintien du principe de présomption pour les refus de renouvellement
Le juge rappelle que « cette condition d’urgence sera en principe constatée dans le cas d’un refus de renouvellement du titre donnant droit au séjour ». Cette solution protège la continuité de la situation administrative pour les étrangers bénéficiant déjà d’une autorisation de présence sur le territoire national. La Haute juridiction souligne ainsi l’incidence immédiate et grave de tels refus sur la situation concrète et quotidienne de l’intéressé. Cette règle de procédure dispense le requérant d’apporter une preuve complexe de la nécessité d’une mesure provisoire rapide durant l’instruction au fond. Le respect de ce principe garantit l’efficacité du recours effectif prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
B. L’encadrement strict des motifs permettant de renverser cette présomption
L’ordonnance du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 février 2025 est annulée pour avoir retenu des critères de renversement de l’urgence juridiquement insuffisants. L’ancienneté de la décision ou le statut de bénéficiaire de la protection subsidiaire ne permettent pas d’écarter la gravité de l’atteinte subie. L’administration n’avait produit aucun élément particulier durant l’instance pour démontrer que l’urgence n’était pas caractérisée dans cette espèce précise. Le Conseil d’État considère que ces motifs erronés constituent une erreur de droit car ils méconnaissent la portée de la présomption de gravité. Cette rigueur imposée au juge des référés assure une protection uniforme des administrés contre les conséquences d’un refus de titre.
II. L’adaptation de l’office du juge aux changements de circonstances de fait
A. La neutralisation de l’urgence par la délivrance d’un titre provisoire
Postérieurement à l’introduction de la requête, l’autorité administrative a délivré au demandeur un récépissé de demande de renouvellement valable pour une durée déterminée. Ce document permet à l’intéressé de séjourner légalement en France et atteste surtout de la reprise de l’instruction de son dossier de séjour. Le bénéfice d’une autorisation provisoire de séjour modifie substantiellement la situation de fait du requérant pendant le temps du procès administratif. Par conséquent, l’exécution de la décision de rejet initiale ne porte plus une atteinte suffisamment grave ou immédiate aux intérêts de l’étranger. La délivrance de ce récépissé par le préfet compétent fait ainsi échec à la nécessité de suspendre l’exécution de l’acte litigieux.
B. Le rejet de la demande de suspension faute de besoin de mesure immédiate
Le Conseil d’État estime que dans ces circonstances particulières, « la présomption d’urgence doit être écartée » car le besoin de protection disparaît momentanément. L’existence d’une situation d’urgence au sens du code de justice administrative ne peut plus être regardée comme établie au jour de la décision. La juridiction rejette la demande sans examiner l’existence d’un doute sérieux sur la légalité, puisque les deux conditions légales sont cumulatives. Cette solution illustre le caractère pragmatique du contentieux de l’urgence qui s’adapte en temps réel aux garanties offertes par les services préfectoraux. L’issue du litige confirme que le juge des référés statue toujours en fonction de l’actualité des faits soumis à son examen.