8ème chambre du Conseil d’État, le 25 juin 2025, n°497261

Le Conseil d’État, par sa décision du 25 juin 2025, apporte des précisions essentielles sur la validité formelle des notifications de redressements fiscaux. Une société a fait l’objet d’un contrôle fiscal portant sur l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée pour deux exercices. À l’issue de cette vérification, l’administration a notifié des cotisations supplémentaires assorties de pénalités et d’une amende pour défaut de désignation de bénéficiaires. Le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 28 septembre 2022, rejeté la demande de décharge après avoir constaté un non-lieu partiel. La cour administrative d’appel de Paris a confirmé ce rejet le 27 juin 2024, malgré la contestation de la régularité de la procédure par la requérante. Le litige repose sur l’absence de réception des pages de la proposition de rectification détaillant les conséquences financières des redressements envisagés par l’administration. La question posée est de savoir si l’omission de ces informations chiffrées vicie la procédure, nonobstant la possibilité pour le contribuable de solliciter les documents manquants. La Haute Juridiction annule l’arrêt d’appel en raison d’une contradiction de motifs et d’une dénaturation des faits, puis renvoie l’affaire devant la même cour.

I. L’exigence de complétude de la notification comme garantie substantielle du contribuable

A. La portée informative du montant des droits et taxes

L’article L. 48 du livre des procédures fiscales impose à l’administration d’indiquer le montant des droits, taxes et pénalités avant toute acceptation des rehaussements. Le Conseil d’État rappelle fermement qu’il « résulte de ces dispositions que l’indication du montant des conséquences financières des rectifications proposées constituent une garantie pour le contribuable ». Cette obligation permet au destinataire de mesurer précisément l’étendue de sa dette fiscale potentielle avant de présenter ses observations au service vérificateur. La mention des conséquences financières ne constitue pas une simple formalité administrative, mais une condition nécessaire au respect des droits de la défense durant la procédure. L’information doit être intégrée directement dans la proposition de rectification ou dans ses annexes indispensables pour assurer une compréhension globale de la mesure envisagée.

B. L’inefficacité de l’obligation de diligence imposée au contribuable

La cour administrative d’appel de Paris avait estimé qu’il appartenait à la société de réclamer la communication de l’annexe manquante identifiée dans la proposition. Le Conseil d’État censure ce raisonnement car les juges du fond avaient simultanément constaté que les pages essentielles n’avaient pas été effectivement reçues par la requérante. En exigeant une démarche active du contribuable pour pallier une carence de l’administration, la cour a méconnu le caractère substantiel de cette garantie légale protectrice. La Haute Juridiction refuse ainsi de faire peser sur l’administré la responsabilité de compléter une notification qui doit être initialement régulière et parfaitement intelligible. La simple mention de l’existence de précisions en pages ultérieures ne suffit pas à régulariser une notification dont le contenu effectif demeure matériellement incomplet.

II. La sanction des incohérences matérielles et rédactionnelles par le juge de cassation

A. La censure de la contradiction interne des motifs juridictionnels

L’arrêt attaqué affirmait que la société devait solliciter les documents absents, tout en reconnaissant que la notification ne comportait pas le détail des conséquences financières. Le Conseil d’État souligne que la cour ne pouvait « écarter le moyen tiré de la violation des dispositions » par une argumentation reposant sur des constatations factuelles opposées. Une telle contradiction de motifs vicie la décision de justice en ce qu’elle prive le raisonnement juridique de la base factuelle cohérente nécessaire à sa validité. Le juge de cassation exerce ici un contrôle vigilant sur la structure logique de la décision rendue par les magistrats de la cour administrative d’appel. La cohérence interne des motifs constitue une condition de sécurité juridique garantissant que la solution retenue découle logiquement des faits établis lors de l’instruction.

B. Le contrôle rigoureux de l’exactitude matérielle des éléments du litige

Le Conseil d’État relève également que la cour administrative d’appel de Paris a commis une dénaturation manifeste des pièces du dossier concernant les montants dégrevés. Alors que l’administration avait prononcé des dégrèvements distincts pour les années 2013 et 2014, les juges d’appel ont retenu un montant global erroné dans leur arrêt. La décision précise qu’en relevant un dégrèvement de 332 365 euros pour la seule année 2014, la cour a contredit les écritures mêmes de l’administration fiscale. Cette erreur matérielle affecte directement la portée du non-lieu à statuer et démontre une lecture incomplète ou déformée des éléments financiers soumis au débat contradictoire. La censure pour dénaturation permet de rétablir la réalité des faits et assure que la réponse juridictionnelle correspond exactement aux prétentions et actes des parties.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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