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La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a rendu le 18 juin 2025 une décision de rejet non spécialement motivée. Cette décision soulève la question du traitement procédural des pourvois manifestement dépourvus de moyens sérieux.
Les faits à l’origine du litige opposaient plusieurs sociétés intervenant dans le secteur des logiciels immobiliers. Un contentieux commercial s’était noué, donnant lieu à une procédure ayant abouti devant la Cour de cassation. L’une des parties avait formé un pourvoi contre la décision rendue par les juges du fond.
Au stade du pourvoi, la société demanderesse s’est désistée de son recours. Les autres parties ont néanmoins maintenu leurs moyens de cassation à l’encontre de la décision attaquée. La Cour de cassation a examiné ces moyens et considéré qu’ils n’étaient « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle a donc fait application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, rejetant le pourvoi sans motivation spéciale. Les sociétés ayant formé le pourvoi ont été condamnées aux dépens et au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La question de droit posée était celle de savoir si les moyens soulevés par les demandeurs au pourvoi présentaient un caractère sérieux justifiant une décision spécialement motivée.
La Cour de cassation répond par la négative. Elle « donne acte » du désistement partiel et juge que les moyens invoqués ne sont « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle rejette en conséquence le pourvoi par décision non spécialement motivée.
Cette décision illustre le mécanisme du filtrage des pourvois par la technique de l’article 1014 du code de procédure civile (I) et ses conséquences sur la charge financière du procès (II).
I. Le filtrage des pourvois par la procédure de l’article 1014 du code de procédure civile
La Cour de cassation dispose d’un outil procédural lui permettant d’écarter les pourvois manifestement infondés (A), dont l’application soulève des interrogations quant à l’étendue du contrôle exercé (B).
A. L’affirmation du caractère manifeste de l’absence de moyen sérieux
La chambre commerciale retient que les moyens de cassation « ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette formule, empruntée à l’article 1014 du code de procédure civile, constitue le fondement textuel de la procédure de non-admission. Le législateur a confié à la Cour de cassation le pouvoir de rejeter sans motivation détaillée les pourvois dont l’échec est certain.
L’adverbe « manifestement » revêt une importance particulière. Il impose que l’absence de sérieux des moyens soit évidente, perceptible sans examen approfondi. La Cour ne saurait user de cette procédure lorsque la question mérite discussion. Le caractère manifeste constitue ainsi une garantie pour le justiciable. Il limite le recours à cette technique aux hypothèses où le rejet s’impose avec la force de l’évidence.
La décision commentée ne révèle pas la teneur des moyens invoqués. Cette opacité est inhérente à la procédure. La Cour affirme leur caractère manifestement infondé sans exposer les raisons de cette appréciation. Le justiciable se trouve ainsi privé d’une explication sur les motifs de son échec.
B. L’économie d’une motivation détaillée et ses limites
L’article 1014 du code de procédure civile autorise la Cour de cassation à ne pas « statuer par une décision spécialement motivée ». Cette formulation mérite attention. Elle ne signifie pas absence totale de motivation. La Cour motive bien sa décision, mais de manière générique, par référence au texte procédural.
Cette technique répond à un impératif de gestion du flux contentieux. La Cour de cassation rend plusieurs milliers de décisions chaque année. La procédure de non-admission lui permet de concentrer ses ressources sur les affaires soulevant de véritables questions de droit. Elle participe ainsi à la régulation de l’accès au juge de cassation.
La contrepartie de cette efficacité réside dans la réduction de l’information délivrée au justiciable. Celui-ci ignore pourquoi ses moyens ont été jugés insuffisants. Il ne peut tirer d’enseignement de la décision pour d’éventuels litiges futurs. La doctrine a parfois critiqué cette opacité, considérant qu’elle porte atteinte au droit à une décision motivée. La Cour européenne des droits de l’homme admet toutefois cette pratique, sous réserve que le filtrage opéré soit effectif et non arbitraire.
II. Les conséquences financières du rejet sur les parties au pourvoi
Le rejet du pourvoi emporte condamnation aux dépens (A) et allocation d’une indemnité au titre des frais irrépétibles (B).
A. La condamnation aux dépens des demandeurs au pourvoi
La Cour condamne les sociétés ayant formé le pourvoi aux dépens. Cette condamnation découle de l’article 696 du code de procédure civile, selon lequel la partie perdante supporte les frais du procès. Le rejet du pourvoi, fût-il prononcé sans motivation spéciale, emporte les mêmes conséquences qu’un rejet motivé.
La décision précise que les sociétés condamnées viennent « aux droits » d’autres sociétés. Cette mention révèle l’existence d’opérations de transmission universelle de patrimoine ou de fusion intervenues en cours de procédure. La substitution de parties n’affecte pas la solution. Les ayants droit supportent les conséquences des actes de leurs auteurs.
Les dépens comprennent notamment les frais d’actes, les émoluments des avocats aux Conseils et les droits de timbre. Leur montant, bien que non précisé dans la décision, peut représenter une charge significative. Cette condamnation sanctionne l’exercice d’un recours dépourvu de chances de succès.
B. L’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
La Cour rejette la demande formée par les sociétés perdantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle les condamne en revanche à payer une somme de 3 000 euros aux sociétés défenderesses au pourvoi. Cette somme est allouée « globalement », c’est-à-dire de manière indivise entre les bénéficiaires.
L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une indemnité couvrant les frais exposés et non compris dans les dépens. Il s’agit principalement des honoraires d’avocat. Le juge apprécie souverainement l’équité de cette condamnation et fixe librement son montant.
La somme de 3 000 euros apparaît modérée au regard des enjeux habituels du contentieux commercial devant la Cour de cassation. Elle traduit peut-être la prise en compte du caractère manifestement infondé du pourvoi. Elle sanctionne l’exercice d’un recours voué à l’échec, lequel a contraint les parties adverses à exposer des frais de défense. La dimension punitive de cette condamnation, sans être explicite, transparaît dans la décision. Elle participe à la dissuasion des pourvois dilatoires ou téméraires.