Par une décision du 27 décembre 2001, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 2001. Plusieurs sénateurs ont déféré ce texte afin de contester la validité de nombreuses dispositions relatives à la fiscalité et à l’administration des télécommunications. Les griefs invoqués portaient tant sur le respect des règles de procédure législative que sur des atteintes potentielles aux libertés fondamentales garanties.
Le Conseil constitutionnel devait ainsi déterminer si l’insertion de certaines mesures respectait le domaine réservé des lois de finances et les limites du droit d’amendement. Il lui appartenait également d’arbitrer le conflit entre les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale et la protection de la vie privée. Les juges ont censuré les dispositions étrangères au domaine financier ainsi que les amendements tardifs dépourvus de lien avec le texte initial. Ils ont toutefois validé les mécanismes de contrôle fiscal et les critères de différenciation retenus par le législateur pour les aides aux entreprises.
I. L’exigence de régularité dans l’élaboration de la loi de finances rectificative
A. Le rejet des dispositions étrangères au domaine des lois de finances
Le Conseil constitutionnel censure systématiquement les dispositions qualifiées de cavaliers budgétaires afin de préserver la spécificité organique des lois de finances. Il relève que les articles 39, 40, 41 et 47 « ne concernent pas la détermination des ressources et des charges de l’État ». Ces mesures relatives à l’organisation des collectivités territoriales n’avaient pas pour objet d’organiser le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Elles ne présentaient aucun caractère fiscal et n’entraînaient aucune création d’emplois au sens de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. Le juge constitutionnel rappelle ainsi que le législateur ne peut introduire des réformes administratives dans un véhicule législatif exclusivement financier. Cette rigueur assure la clarté des débats parlementaires et empêche l’adoption de mesures structurelles sans examen approfondi de leur impact budgétaire réel.
B. L’encadrement des adjonctions après la commission mixte paritaire
Le droit d’amendement subit des restrictions temporelles et matérielles majeures pour garantir la sincérité de la procédure législative après l’échec d’une conciliation. Le Conseil énonce que des adjonctions ne sauraient être apportées au texte « après la réunion de la commission mixte paritaire » sans conditions précises. L’article 55 concernant les sociétés coopératives est déclaré inconstitutionnel car il résulte d’un amendement adopté au terme d’une procédure irrégulière. Cette disposition était « sans relation directe avec aucune des dispositions de ce texte » en discussion lors des lectures antérieures. L’adoption d’un tel article n’était dictée ni par la nécessité de respecter la Constitution ni par celle de corriger une erreur matérielle. Cette solution protège l’équilibre entre les assemblées et prévient l’introduction de mesures nouvelles soustraites à la navette parlementaire traditionnelle.
II. La validation de mesures de fond au regard des principes constitutionnels
A. La conciliation entre lutte contre la fraude et respect de la vie privée
Le législateur doit assurer l’équilibre entre la prévention des atteintes à l’ordre public et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties par les textes. L’article 62 autorisait l’administration fiscale et douanière à accéder aux données conservées par les opérateurs de télécommunication pour l’exercice de leurs missions. Le Conseil valide ce dispositif en soulignant que le droit d’accès « ne peut s’exercer que dans le cadre de l’article L. 32-3-1 du code des postes ». Les données collectées « portent exclusivement sur l’identification des personnes » et ne peuvent en aucun cas concerner le contenu des correspondances échangées. Le juge estime que le législateur a mis en œuvre des garanties suffisantes pour éviter toute intrusion disproportionnée dans l’intimité des citoyens. Cette conciliation n’est pas entachée d’erreur manifeste puisque la lutte contre la fraude fiscale constitue un objectif de valeur constitutionnelle légitime.
B. La conformité des critères de traitement aux principes d’égalité et de légalité
Le principe d’égalité n’interdit pas au législateur de traiter différemment des situations distinctes lorsque l’intérêt général ou des critères objectifs le justifient. L’article 27 réservait un crédit d’impôt formation aux petites entreprises, excluant celles réalisant un chiffre d’affaires égal ou supérieur à cinquante millions de francs. Le Conseil juge cette définition fondée sur des « critères objectifs et rationnels en rapport avec la politique d’aide » aux structures modestes. Par ailleurs, l’article 68 relatif au financement du fonds commun des accidents du travail agricole respecte la compétence du législateur. En fixant le plafond et les modalités de répartition des contributions, le Parlement a « épuisé sa compétence » conformément aux exigences de l’article 34. Enfin, l’abrogation des frais d’assiette prévue à l’article 91 est déclarée conforme malgré son caractère « critiquable » au regard de l’équilibre financier.