Conseil constitutionnel, Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007

Le Conseil constitutionnel a rendu le 15 novembre 2007 une décision portant sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Saisi par soixante députés et soixante sénateurs, le juge devait examiner la conformité de plusieurs dispositions législatives aux principes fondamentaux de la République. Les requérants contestaient principalement l’usage des empreintes génétiques pour prouver une filiation maternelle et la création de fichiers fondés sur les origines ethniques. Ils invoquaient des atteintes caractérisées au droit au respect de la vie privée, au principe d’égalité devant la loi ainsi qu’à la dignité humaine. La question posée aux sages portait sur la légitimité de l’identification biologique comme mode de preuve supplétif en matière de regroupement familial. Il s’agissait également de déterminer si le législateur peut autoriser des traitements de données révélant l’origine raciale ou ethnique des individus. Le Conseil constitutionnel a validé le recours aux tests génétiques sous d’importantes réserves d’interprétation tout en censurant les statistiques ethniques pour des motifs procéduraux et substantiels.

I. La constitutionnalité sous réserve du recours aux tests génétiques

A. L’encadrement strict du droit à la preuve biologique

L’article 13 de la loi prévoit que le demandeur d’un visa peut solliciter une identification par ses empreintes génétiques en cas de carence de l’état civil. Le Conseil souligne que ce dispositif a pour seul objet de permettre au demandeur d’« apporter un élément de preuve d’une filiation déclarée avec la mère ». Cette faculté ne s’applique qu’aux ressortissants de pays dont les registres administratifs présentent des défaillances notoires ou des risques de fraudes importants. La juridiction précise que la mesure nécessite impérativement le consentement exprès des personnes concernées après une information appropriée sur la portée de l’acte. Le contrôle juridictionnel est garanti par l’intervention du tribunal de grande instance de Nantes qui doit statuer sur la nécessité de l’identification génétique. Le juge constitutionnel pose toutefois une réserve majeure en exigeant que cette preuve supplétive ne conduise pas à nier un lien de filiation légalement établi.

B. La préservation de l’équilibre entre ordre public et vie familiale

Les requérants soutenaient que le recours à la biologie portait atteinte au droit de mener une vie familiale normale garanti par le Préambule de 1946. Le Conseil constitutionnel rejette ce grief en estimant que le législateur a opéré une « conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée » entre les droits individuels et l’ordre public. Il souligne que les dispositions critiquées ne modifient pas les conditions de fond du regroupement familial mais offrent simplement un mode de preuve supplémentaire. La sauvegarde de l’ordre public inclut la lutte contre la fraude documentaire, ce qui justifie l’usage de techniques scientifiques modernes sous réserve de garanties suffisantes. Le Conseil affirme également que l’identification par empreintes génétiques, pratiquée à la demande de l’intéressé, ne porte pas atteinte au principe du respect de la dignité humaine. Cette validation conditionnelle permet de maintenir l’efficacité des contrôles migratoires tout en offrant une issue juridique aux situations d’état civil insolubles.

II. La censure de la mesure de la diversité et le rappel des principes républicains

A. L’irrégularité procédurale de l’amendement litigieux

L’article 63 de la loi déférée visait à autoriser des traitements de données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques. Le Conseil constitutionnel censure cet article en premier lieu pour un motif de procédure lié à l’exercice du droit d’amendement par les parlementaires. Il relève que l’amendement dont est issu cet article était « dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet » de loi initial. Cette pratique, qualifiée de cavalier législatif, contrevient aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire découlant de la Constitution de 1958. En s’insérant dans un texte consacré à l’immigration, une mesure sur les statistiques de la diversité excédait le périmètre thématique raisonnablement attendu par les assemblées. Cette irrégularité formelle suffit à écarter la disposition de l’ordonnancement juridique sans préjuger initialement de sa validité sur le fond du droit.

B. L’incompatibilité des statistiques ethniques avec l’indivisibilité de la République

Le juge constitutionnel complète sa censure par un motif de fond particulièrement rigoureux fondé sur l’article 1er de la Constitution qui proclame l’égalité devant la loi. Il affirme que les traitements de données « ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race ». Cette affirmation solennelle rappelle que la République française ne reconnaît aucune distinction fondée sur l’appartenance à des groupes ethniques ou raciaux déterminés. L’utilisation de critères objectifs pour mesurer la diversité reste possible, mais le recours à des classifications ethniques explicites demeure prohibé par le bloc de constitutionnalité. Cette décision sanctuarise une conception universaliste de la citoyenneté en interdisant toute catégorisation administrative des individus selon leurs origines supposées. Le Conseil constitutionnel réaffirme ainsi que l’unité du peuple français s’oppose à toute fragmentation statistique de la société nationale.

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Hassan KOHEN
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