Le Conseil constitutionnel a rendu le 21 février 2008 une décision majeure concernant la loi instituant une rétention de sûreté. Ce texte prévoit le placement forcé en centre socio-médico-judiciaire pour des condamnés présentant encore une probabilité très élevée de récidive. Des membres du Parlement ont déféré cette loi en contestant sa conformité aux principes de légalité des délits et des peines. Ils soutiennent que ce dispositif méconnaît la présomption d’innocence et le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale. La question centrale porte sur la nature punitive ou préventive de ce nouveau régime de privation de liberté après la peine. La haute juridiction valide le dispositif pour l’avenir mais censure son application aux personnes condamnées avant la publication de la loi. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la définition de cette mesure de sûreté avant d’envisager les limites constitutionnelles posées par les juges.
I. La définition d’une mesure de sûreté de nature non punitive
A. Le rejet de la qualification de sanction pénale
Les juges considèrent que « la rétention de sûreté n’est ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d’une punition ». La mesure repose uniquement sur la dangerosité de l’individu évaluée par une juridiction régionale à la fin de la peine. Cette qualification permet d’écarter l’application immédiate de l’article huit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La décision souligne que le placement n’est pas prononcé par la cour d’assises lors de la condamnation initiale pour les faits commis. L’absence de caractère punitif s’accompagne d’un objectif de traitement médical destiné à réduire le risque de récidive criminelle.
B. La finalité préventive justifiée par le trouble de la personnalité
Le dispositif vise à prévenir la récidive de crimes particulièrement graves grâce à une prise en charge médicale, sociale et psychologique permanente. Le législateur réserve cette mesure exceptionnelle aux individus souffrant d’un trouble grave de la personnalité caractérisé par une expertise médicale sérieuse. La solution retenue admet cette finalité car elle tend à assurer la protection de l’ordre public et la sécurité des personnes. L’admission de cette mesure de sûreté nécessite toutefois l’affirmation de garanties juridiques strictes pour assurer la protection des libertés individuelles.
II. La protection des garanties fondamentales face à l’arbitraire
A. Le refus de la rétroactivité pour une mesure privative de liberté
Bien que non punitive, la rétention entraîne une privation totale de liberté dont la durée peut être renouvelée sans aucune limite. Les juges affirment qu’elle « ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi » ou pour des faits antérieurs. Cette position protège le citoyen contre une extension imprévisible de son enfermement par une législation nouvelle intervenant après sa condamnation définitive. L’interdiction de la rétroactivité se complète par la garantie de l’indépendance des magistrats chargés de décider des mesures d’aménagement de peine.
B. La censure de l’atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire
Le Conseil constitutionnel examine également les conditions de la libération conditionnelle pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Il censure le mot « favorable » qui subordonnait le pouvoir des magistrats de l’application des peines à l’avis d’une commission administrative. Cette décision préserve le principe de la séparation des pouvoirs ainsi que l’indépendance constitutionnelle de l’autorité judiciaire gardienne de la liberté.