Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-111 QPC du 25 mars 2011

Le Conseil constitutionnel a rendu le 25 mars 2011 une décision relative à la conformité de l’article L. 8223-1 du code du travail. Cette disposition prévoit le versement d’une indemnité forfaitaire en faveur du salarié victime de travail dissimulé lors de la rupture de son contrat. Un litige est né entre une salariée et son employeur à la suite de la cessation de leurs relations contractuelles au sein d’une structure privée. Le Conseil de prud’hommes de Creil a été saisi de demandes relatives à l’exécution et à la rupture de cet engagement professionnel. La requérante a ensuite soulevé une question prioritaire de constitutionnalité devant la Chambre sociale de la Cour de cassation le 12 janvier 2011. Elle soutenait que le dispositif méconnaissait le principe d’individualisation des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La juridiction constitutionnelle devait déterminer si cette indemnité présentait le caractère d’une punition ou celui d’une simple réparation de nature civile. Les sages ont estimé que la mesure ne constituait pas une sanction pénale mais visait à compenser un préjudice social spécifique. L’analyse portera d’abord sur la mise à l’écart du régime des sanctions punitives avant d’aborder la consécration d’un mécanisme de réparation forfaitaire.

I. La mise à l’écart du régime des sanctions punitives

A. Le champ d’application limité de la nécessité des peines

Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 8 de la Déclaration de 1789 s’applique exclusivement aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition. Cette exigence constitutionnelle impose normalement au législateur de permettre au juge d’adapter la sanction à la gravité des faits reprochés par les parties. La requérante invoquait ce texte fondamental pour contester le montant fixe de six mois de salaire imposé par le code du travail en cas de dissimulation. Elle considérait que l’automaticité de cette somme d’argent portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’appréciation des magistrats lors du jugement.

B. L’autonomie de l’indemnité par rapport au droit répressif

La décision souligne que cette indemnité est « distincte des sanctions pénales prévues par les articles L. 8224-1 et suivants du code du travail ». Les juges constitutionnels relèvent que le mécanisme n’appartient pas à l’arsenal répressif destiné à châtier l’employeur pour son comportement illicite ou frauduleux. Puisque la mesure ne revêt pas le caractère d’une punition au sens constitutionnel, les griefs tirés de la violation de l’article 8 deviennent inopérants. Le refus de qualifier cette somme de sanction pénale permet ainsi de justifier l’absence d’individualisation requise en matière de droit criminel.

II. La consécration d’un mécanisme de réparation forfaitaire

A. L’indemnisation d’un préjudice social et probatoire

Le Conseil précise que l’indemnité « a pour objet d’assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié du fait de la dissimulation du travail ». Cette absence de déclaration entraîne nécessairement une perte de droits sociaux fondamentaux pour le travailleur concerné par ces pratiques contraires à l’ordre public. La nature forfaitaire de la somme permet également de compenser la difficulté pour l’intéressé « de prouver le nombre d’heures de travail accompli » réellement. Le juge constitutionnel valide ainsi une présomption de préjudice qui dispense le salarié d’une démonstration probatoire parfois impossible à rapporter.

B. La validation constitutionnelle de la technique du forfait civil

L’article L. 8223-1 du code du travail est déclaré conforme à la Constitution car il respecte les objectifs de protection des droits des travailleurs. Le législateur peut valablement instaurer un plancher indemnitaire pour garantir l’effectivité de la réparation sans porter atteinte aux libertés constitutionnellement garanties par le texte. Cette solution renforce la sécurité juridique des salariés victimes de fraude tout en évitant les aléas liés à l’évaluation souveraine du dommage. La décision confirme la large marge de manœuvre dont dispose le Parlement pour organiser l’indemnisation des victimes de manquements aux obligations contractuelles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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