Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-136 QPC du 17 juin 2011

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2011-131 QPC du 17 juin 2011, a examiné la constitutionnalité des règles de financement des mesures de protection. Une question prioritaire de constitutionnalité fut soulevée concernant l’article 419 du code civil et l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles. Les dispositions contestées prévoient que l’indemnité allouée pour des diligences particulièrement complexes demeure à la charge exclusive de la personne protégée. Des associations ont soutenu que l’absence de financement public subsidiaire pour les majeurs indigents portait atteinte au principe d’égalité devant la loi. Elles invoquaient également une méconnaissance du droit de propriété, du droit à une vie familiale normale et du droit à un recours juridictionnel effectif. Le problème juridique posé réside dans la capacité du législateur à limiter la solidarité nationale aux seuls frais courants des mesures de protection juridique. Les juges constitutionnels décident que les dispositions litigieuses sont conformes à la Constitution car la collectivité n’est pas tenue de financer l’intégralité des diligences. L’analyse portera sur l’encadrement de la solidarité nationale avant d’aborder la portée du principe d’égalité dans le financement des mesures de protection.

I. L’encadrement législatif de l’exigence de solidarité nationale

A. La mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale

Les juges rappellent que le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale. Cette disposition garantit que la Nation assure à l’individu « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Le législateur doit ainsi prévoir des moyens convenables d’existence pour toute personne incapable de travailler en raison de son état physique ou mental. Dans ce cadre, l’instauration d’un financement public pour les mandataires judiciaires répond directement à cette exigence de protection des citoyens les plus vulnérables. La loi organise la prise en charge des frais de protection par la collectivité lorsque les ressources de la personne protégée sont insuffisantes.

L’exercice de ce pouvoir législatif ne doit cependant pas aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel déjà établies. Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur une large liberté pour choisir les modalités concrètes de cette solidarité qu’il estime les plus appropriées. Il peut à tout moment modifier des textes antérieurs ou les abroger pour substituer des dispositifs nouveaux qu’il juge plus utiles ou nécessaires. Cette marge de manœuvre permet d’adapter la protection juridique des majeurs aux réalités économiques et sociales sans pour autant méconnaître les principes fondamentaux.

B. Les limites apportées au financement public des diligences exceptionnelles

L’exigence de solidarité nationale n’impose pas que la collectivité publique prenne en charge « quel que soit leur coût, toutes les diligences » accomplies. Les dispositions contestées limitent le financement public aux frais ordinaires de la mesure, excluant les indemnités complémentaires pour des actes longs ou complexes. Cette exclusion repose sur l’idée que certains actes exceptionnels ne relèvent pas nécessairement des moyens convenables d’existence garantis par le Préambule de 1946. Le Conseil valide ainsi une distinction entre le fonctionnement courant de la mesure de protection et les interventions particulières nécessitant une rémunération spécifique. Le financement subsidiaire de l’État ne s’étend pas à l’intégralité des actions possibles du mandataire judiciaire au profit du majeur protégé.

Cette restriction budgétaire est jugée conforme car elle ne vide pas de sa substance la protection juridique globale offerte aux personnes défavorisées. La décision souligne que le coût des mesures reste à la charge totale ou partielle de la personne en fonction de ses ressources propres. La solidarité publique intervient seulement pour combler l’absence de moyens personnels sans devoir couvrir chaque diligence particulière ordonnée par le juge des tutelles. La liberté reconnue au législateur dans la gestion des deniers publics doit néanmoins s’accorder avec le respect fondamental de l’égalité des citoyens.

II. La conformité de la charge financière au principe d’égalité

A. La distinction entre situations identiques et situations différentes

Le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes placées dans une situation identique au regard de la loi applicable. Les requérantes estimaient que les majeurs aux ressources faibles étaient discriminés puisqu’ils ne pourraient pas financer les diligences complexes nécessaires à leurs intérêts. Pourtant, le Conseil constitutionnel précise que ce principe « n’oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ». La loi s’applique uniformément en laissant l’indemnité complémentaire à la charge de chaque personne protégée, sans distinction opérée selon son niveau de fortune. L’absence de différenciation dans la prise en charge d’un surcoût exceptionnel ne constitue donc pas une méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration de 1789.

La différence de traitement invoquée par les associations n’est pas une création de la loi mais résulte de la situation matérielle des individus. Le législateur règle de façon identique la question de l’indemnité complémentaire pour l’ensemble des mesures de protection confiées à un mandataire judiciaire. En ne prévoyant pas de financement public pour ces actes complexes, il reste dans le cadre d’une règle commune à tous les justiciables. Cette approche unitaire évite de créer des régimes de rémunération excessivement disparates pour les professionnels chargés de la protection juridique des majeurs.

B. La préservation des garanties légales des exigences constitutionnelles

Les juges constitutionnels concluent que les articles contestés ne portent atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit expressément. Le droit de propriété et le droit à une vie familiale normale ne sont pas menacés par l’absence de prise en charge publique d’indemnités. La protection des intérêts patrimoniaux demeure assurée par le cadre général de la tutelle ou de la curatelle financé par la solidarité nationale. Les garanties légales entourant la désignation d’un mandataire judiciaire suffisent à satisfaire les exigences de protection dues aux personnes en situation de faiblesse. Le législateur a ainsi concilié les objectifs de solidarité avec la nécessité de maîtriser les dépenses engagées par les collectivités publiques.

L’indemnité exceptionnelle demeure facultative et soumise à l’appréciation du juge qui doit recueillir préalablement l’avis du procureur de la République compétent. Ce contrôle judiciaire strict garantit que la charge financière imposée au majeur protégé reste justifiée par l’importance ou la difficulté des actes. En validant ces dispositions, le Conseil constitutionnel confirme que la solidarité nationale peut être graduée selon la nature des besoins de l’individu. La décision n° 2011-131 QPC stabilise ainsi le régime financier des mesures de protection juridique en protégeant l’équilibre entre individu et collectivité.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture