Le Conseil constitutionnel a rendu, le 18 novembre 2011, une décision relative à la conformité de plusieurs articles du code de procédure pénale. Ces dispositions résultent de la loi du 14 avril 2011 réformant le régime de la garde à vue suite à une précédente censure constitutionnelle. Plusieurs requérants ont saisi la juridiction de questions prioritaires de constitutionnalité visant les articles 62 et suivants du code de procédure pénale. Ils dénonçaient l’insuffisance des garanties entourant l’audition libre et les limites apportées à la mission de conseil durant la rétention policière. Les auteurs des recours invoquaient une rupture d’équilibre entre les parties et une méconnaissance de la compétence de l’autorité judiciaire. Par cette décision n° 2011-191/194/195/196 QPC, le juge a statué sur la conformité de la réforme au regard des droits de la défense.
Le litige porte sur l’équilibre entre la recherche des auteurs d’infractions et la protection des libertés individuelles garanties par la Constitution. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si les limitations législatives portaient une atteinte disproportionnée aux principes issus de l’article 16 de la Déclaration de 1789. Sa réponse sécurise d’abord le régime de l’audition libre avant de valider l’équilibre des pouvoirs lors de la mesure de garde à vue.
I. L’encadrement constitutionnel de l’audition libre et des droits de la défense
A. La validation du principe de l’audition hors contrainte Le Conseil affirme que le respect des droits de la défense n’impose pas l’assistance d’un avocat dès lors qu’aucune contrainte n’est exercée. L’article 62 du code de procédure pénale prévoit que le suspect ne peut être maintenu à disposition que sous le régime de la garde à vue. Ainsi, le juge constitutionnel valide la distinction fondamentale entre la personne retenue contre sa volonté et celle qui accepte d’être entendue librement. Cette approche repose sur le consentement de l’individu à participer aux opérations d’enquête sans bénéficier des garanties propres à la privation de liberté.
B. La réserve d’interprétation comme garantie contre l’arbitraire Toutefois, le Conseil juge nécessaire d’encadrer cette pratique par une réserve stricte afin d’assurer l’effectivité des droits fondamentaux durant la phase préliminaire. Il énonce qu’un suspect entendu librement doit être informé « de la nature et de la date de l’infraction qu’on la soupçonne d’avoir commise ». Cette notification doit s’accompagner de la précision de son « droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ». Par cette exigence, la juridiction prévient les risques de pressions psychologiques et garantit que le consentement du justiciable demeure éclairé et révocable.
Cette protection des suspects entendus librement s’accompagne d’une analyse rigoureuse des conditions d’intervention du conseil lors des mesures de garde à vue.
II. La conciliation entre l’efficacité de l’enquête et l’assistance de l’avocat
A. La confirmation d’un accès limité aux pièces de la procédure L’article 63-4-1 limite la consultation de l’avocat au procès-verbal de placement en garde à vue, au certificat médical et aux auditions de son client. Le Conseil constitutionnel estime que ces restrictions n’entraînent pas de déséquilibre excessif au regard de l’objectif de recherche des auteurs d’infractions. Il souligne que la garde à vue ne constitue pas le stade du jugement définitif mais une phase nécessaire au rassemblement des preuves. Les droits de la défense sont préservés puisque la légalité des actes pourra être discutée ultérieurement devant les juridictions d’instruction ou de jugement.
B. L’admission de reports exceptionnels de l’assistance juridique Le législateur a prévu la possibilité de différer la présence de l’avocat pour des raisons impérieuses liées à la conservation des preuves ou à la sécurité. Le Conseil valide ce dispositif en relevant qu’il reste placé sous le contrôle étroit de l’autorité judiciaire compétente pour autoriser ces mesures. Ces reports sont strictement encadrés dans le temps et doivent être justifiés par des « circonstances particulières » et des « éléments précis et circonstanciés ». Le juge constitutionnel considère ainsi que le législateur a opéré une conciliation proportionnée entre la sauvegarde de l’ordre public et les libertés individuelles.