Le Conseil constitutionnel a rendu le 23 septembre 2016 une décision majeure concernant le régime juridique des perquisitions ordonnées sous le régime de l’état d’urgence. Suite à des mesures de police administrative, plusieurs citoyens ont contesté la validité des dispositions législatives autorisant ces interventions intrusives au sein des domiciles privés. Les requérants ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité lors d’instances devant les juridictions administratives afin d’obtenir l’abrogation de l’article litigieux de 1955. Le Conseil d’État a transmis ces recours au juge constitutionnel pour vérifier si la loi respectait les droits et libertés garantis par le bloc de constitutionnalité. La question posée réside dans la capacité du législateur à autoriser des perquisitions sans encadrer strictement les conditions de leur mise en œuvre par les autorités. Les sages censurent le texte faute d’une conciliation équilibrée entre l’objectif de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée. Cette décision souligne l’insuffisance flagrante de l’encadrement législatif des perquisitions (I), tout en organisant les conséquences temporelles de cette annulation nécessaire (II).
I. L’insuffisance manifeste de l’encadrement législatif des perquisitions
L’étude de la protection constitutionnelle du domicile (A) précède l’analyse du défaut de garanties législatives relevé par les membres du Conseil (B).
A. La protection constitutionnelle du domicile et de la vie privée
L’article 2 de la Déclaration de 1789 protège la vie privée et garantit rigoureusement l’inviolabilité du domicile de chaque citoyen résidant sur le territoire national. Le juge rappelle que « la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence » pour maintenir l’ordre public nécessaire. Cette prérogative étatique doit cependant se concilier avec le respect des libertés individuelles qui constituent le socle fondamental de notre État de droit républicain. La conciliation entre ces deux impératifs constitutionnels exige une vigilance particulière du législateur lors de la rédaction des textes régissant les situations de crise exceptionnelle. Le rappel de ces principes fondamentaux met en lumière les carences graves du texte législatif soumis à l’examen attentif du juge de la constitutionnalité.
B. Le constat d’une absence de garanties législatives effectives
Le Conseil constitutionnel observe que la loi de 1955 permettait aux autorités administratives d’ordonner des perquisitions sans fixer de conditions précises à leur exécution. « En ne soumettant le recours aux perquisitions à aucune condition », le texte laissait une marge de manœuvre excessivement large aux préfets et au ministre de l’Intérieur. L’absence de garanties procédurales suffisantes empêchait un contrôle effectif de la nécessité et de la proportionnalité des mesures attentatoires à la vie privée des individus. Le législateur a ainsi méconnu l’étendue de sa compétence en n’encadrant pas suffisamment le recours à ces outils de police administrative durant l’état d’urgence. L’annulation de ce cadre juridique lacunaire impose désormais au juge de statuer sur le devenir juridique des actes accomplis sous l’empire de cette loi.
II. La gestion pragmatique des conséquences de l’inconstitutionnalité
Le Conseil prononce l’abrogation immédiate de la loi (A) tout en limitant la portée rétroactive de cette censure pour motif d’intérêt général (B).
A. Une abrogation immédiate pour l’avenir
La déclaration d’inconstitutionnalité entraîne normalement l’abrogation immédiate de la disposition critiquée afin de faire cesser immédiatement l’atteinte constatée aux droits et libertés fondamentaux. Le juge constitutionnel dispose toutefois d’un pouvoir de modulation pour reporter les effets de sa décision en cas de conséquences manifestement excessives pour la société. Dans cette espèce, le Conseil refuse tout report car une nouvelle rédaction législative adoptée en 2015 assure désormais une protection adéquate des libertés en cause. L’abrogation intervient donc à compter de la publication de la décision, interdisant ainsi toute nouvelle perquisition fondée sur les dispositions obsolètes de la loi ancienne. Cette rigueur dans l’application immédiate de la censure s’accompagne néanmoins d’une réserve importante concernant la stabilité des procédures pénales déjà engagées par les autorités.
B. L’impossibilité de contester les procédures pénales antérieures
Le Conseil estime que la remise en cause des actes de procédure pénale consécutifs aux perquisitions méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. « Les mesures prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées » dans le cadre des procédures judiciaires déjà en cours. Cette restriction vise à prévenir un désordre juridique majeur qui résulterait de l’annulation systématique des preuves collectées durant les périodes passées d’état d’urgence. Le juge privilégie ici la sécurité juridique et l’efficacité de la réponse pénale face aux menaces graves ayant justifié le déclenchement initial de ces mesures.