Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 décembre 2017, une décision n° 2017-678 QPC relative au fonds exceptionnel de soutien aux collectivités territoriales. Ce litige portait sur la conformité de l’article 131 de la loi de finances rectificative pour 2016 aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le législateur avait instauré un mécanisme financier destiné à compenser les dépenses sociales croissantes liées aux allocations individuelles de solidarité versées par les départements.
Un département a contesté la répartition de ce fonds en deux enveloppes distinctes selon un critère géographique opposant la métropole aux territoires ultramarins. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État, le juge constitutionnel devait examiner les griefs de méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Le département requérant critiquait également le renvoi au pouvoir réglementaire pour la fixation du montant de chaque enveloppe, y voyant une incompétence négative.
La question posée était de savoir si la création de sous-enveloppes géographiques et la délégation de leur montant au décret portaient atteinte aux exigences constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions conformes, estimant que la différence de traitement répondait à un motif d’intérêt général caractérisé par le contexte économique.
I. La validation d’une différenciation géographique fondée sur la spécificité des charges sociales
A. La reconnaissance de situations objectives distinctes
Le législateur a divisé le fonds en deux parties pour tenir compte des difficultés financières propres aux collectivités situées dans les territoires d’outre-mer. Selon le Conseil, cette distinction permet de « tenir compte de la situation particulière de certaines d’entre elles et des charges spécifiques auxquelles elles doivent faire face ». L’institution de deux enveloppes séparées repose sur une analyse concrète des déséquilibres budgétaires induits par le poids des prestations sociales obligatoires. Les départements ne se trouvent pas dans une position identique au regard du financement du revenu de solidarité active ou de la prestation de compensation.
B. La proportionnalité du dispositif à l’objectif d’intérêt général
La décision affirme que cette différence de traitement « est justifiée par un motif d’intérêt général et est en rapport direct avec l’objet de la loi ». Le juge constitutionnel admet ainsi qu’une aide ponctuelle puisse être segmentée pour répondre plus efficacement aux urgences sociales rencontrées par les territoires les plus fragiles. L’arbitrage du législateur ne présente pas de caractère arbitraire puisque la mesure vise le soutien exclusif des collectivités connaissant une situation financière particulièrement dégradée. Cette validation confirme la faculté pour la loi de moduler les concours financiers de l’État en fonction des réalités locales disparates.
II. Le maintien de la compétence législative en matière de finances locales
A. L’écartement du grief d’incompétence négative
Le département requérant soutenait que la loi devait fixer elle-même le montant précis de chaque enveloppe au lieu de déléguer cette tâche au pouvoir réglementaire. Le juge précise qu’il ne résulte d’aucune disposition constitutionnelle « que le législateur était tenu de fixer lui-même le montant des enveloppes » créées par la loi. Dès lors que le montant global du fonds est voté, la répartition technique entre les bénéficiaires éligibles peut légitimement relever de la compétence du décret. Cette solution préserve la souplesse de l’action administrative tout en respectant le cadre budgétaire général préalablement défini par le Parlement en loi de finances.
B. La portée de la décision pour la libre administration des collectivités
La décision du 7 décembre 2017 renforce la capacité du législateur à structurer des dispositifs de péréquation ou de soutien sans méconnaître les ressources locales. En validant l’usage de critères géographiques pour la distribution d’aides exceptionnelles, le Conseil constitutionnel reconnaît la pertinence du critère de la fragilité économique réelle. L’autonomie financière des collectivités n’est pas affectée par une telle répartition dès lors que les principes fondamentaux de leur libre administration demeurent scrupuleusement préservés. Cette jurisprudence illustre la recherche d’un équilibre entre l’unité de la loi et la nécessité de traiter spécifiquement les situations de détresse budgétaire.