Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 13 juin 2018, s’est prononcé sur deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives au code de la sécurité intérieure. Le litige portait sur la conformité du paragraphe II de l’article L. 229-5, lequel encadre l’exploitation des données saisies lors de visites administratives antiterroristes.
Un requérant avait soulevé ces questions dans le cadre de procédures pénales pour contester les modalités de saisie et de conservation des données informatiques. La chambre criminelle de la Cour de cassation, par deux arrêts du 11 avril 2018, a transmis ces interrogations à la rue de Montpensier. L’intéressé soutenait que ces dispositions portaient atteinte au droit au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile et au droit à un recours juridictionnel effectif.
Le requérant affirmait notamment que le renvoi des questions par la Cour de cassation constituait un changement des circonstances justifiant un réexamen de la loi. En effet, le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé sur ce même texte par une décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018. La question de droit posée consistait à savoir si la saisine par une juridiction suprême caractérisait un changement de circonstances autorisant un nouveau contrôle.
Les sages ont décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ces questions car aucun changement de circonstances n’était intervenu depuis leur précédent examen. Le Conseil a réaffirmé que le seul mécanisme procédural du renvoi ne saurait remettre en cause l’autorité d’une décision de conformité déjà rendue.
**I. L’autorité de chose jugée attachée à la déclaration de conformité initiale**
**A. La permanence du contrôle de constitutionnalité exercé**
Le Conseil constitutionnel souligne d’emblée que les dispositions contestées ont fait l’objet d’un examen spécifique très récent lors d’une précédente instance. Il rappelle que dans sa décision du 29 mars 2018, il a « spécialement examiné les dispositions du paragraphe II de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure ». Cette précision liminaire fonde la légitimité de l’arrêt du processus de contrôle, puisque le juge a déjà validé l’équilibre entre les mesures de police et les libertés. En déclarant que le texte est conforme « dans les motifs et le dispositif », le Conseil confère à sa décision une autorité absolue. Cette rigueur interdit au requérant de solliciter une nouvelle analyse sur des fondements identiques à ceux précédemment écartés par la juridiction.
**B. La condition impérative du changement des circonstances**
L’ordonnance du 7 novembre 1958 pose un obstacle de principe au réexamen d’une disposition déjà validée, sauf si des éléments nouveaux sont apparus. Le Conseil cite textuellement que nul ne peut être saisi d’une question relative à une disposition déjà déclarée conforme « sauf changement des circonstances ». Cette exception vise à permettre une adaptation du droit constitutionnel face à des évolutions juridiques ou factuelles majeures modifiant la portée du texte. Or, le juge constate ici une stricte identité entre le cadre normatif actuel et celui ayant prévalu lors de la décision fondatrice de mars 2018. En l’absence d’une modification de l’état du droit ou des faits, la présomption de constitutionnalité du texte demeure donc inattaquable par la voie de la QPC.
**II. La neutralité du renvoi juridictionnel sur la recevabilité du grief**
**A. L’insuffisance de la décision de renvoi comme fait nouveau**
Le requérant tentait d’ériger l’ordonnance de transmission de la Cour de cassation en un événement juridique suffisant pour justifier un nouveau débat constitutionnel. Le Conseil constitutionnel rejette fermement cette analyse en précisant que « le seul fait que la Cour de cassation renvoie une disposition déjà déclarée conforme ne saurait constituer un changement des circonstances ». Cette position protège l’autonomie du juge constitutionnel face aux appréciations des juridictions de renvoi qui ne lient pas sa propre compétence. Le renvoi n’est qu’une étape de filtrage procédural et ne saurait influencer le fond du droit déjà tranché par les membres du Conseil. Par cette formulation, la haute juridiction évite une multiplication infinie des recours fondés sur la simple volonté des parties de réitérer leurs arguments.
**B. Le maintien de la stabilité de l’ordre juridique**
La décision de non-lieu à statuer garantit une sécurité juridique indispensable à l’application des mesures de lutte contre le terrorisme par l’autorité administrative. En refusant de rouvrir le débat, le Conseil valide la continuité de la procédure d’exploitation des données qui prévoit que « le juge statue dans un délai de quarante-huit heures ». Cette rapidité d’exécution, couplée à l’absence de contestation nouvelle possible, assure l’efficacité des visites administratives tout en maintenant les garanties déjà jugées suffisantes. La solution retenue confirme ainsi que la protection des droits et libertés n’impose pas une réévaluation permanente des normes législatives sécuritaires. La stabilité du droit positif est ainsi préservée contre les tentatives de déstabilisation procédurale dépourvues de fondement substantiel réellement inédit.