Le Conseil constitutionnel a rendu, le 14 septembre 2018, une décision n° 2018-731 QPC relative à la conformité de l’article 415 du code des douanes. Ce texte punit le blanchiment de fonds issus de délits douaniers ou de trafics de stupéfiants par une peine d’emprisonnement minimale obligatoire.
Une requérante, poursuivie pour des opérations financières sur des fonds illicites, a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité lors de son instance pénale. Elle contestait les mots « deux à » fixant une durée minimale de détention, invoquant une méconnaissance manifeste du principe constitutionnel d’individualisation des peines.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis cette question par un arrêt n° 1474 du 19 juin 2018 au Conseil constitutionnel. La requérante soutenait que l’impossibilité pour le juge de prononcer une peine inférieure à deux ans violait les articles 8 et 16 de la Déclaration.
La question posée consistait à déterminer si l’instauration d’un quantum minimal de peine restreint excessivement le pouvoir d’appréciation du juge pénal et sa liberté. Les sages ont déclaré la disposition conforme à la Constitution en soulignant la gravité des faits et la persistance de facultés d’aménagement de la sanction.
L’analyse de cette décision conduit à examiner la validation d’une répression minimale avant d’étudier le maintien effectif du pouvoir souverain de la juridiction de jugement.
I. La validation d’une répression minimale justifiée par la gravité des infractions
A. La reconnaissance de la particularité du délit de blanchiment douanier
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur la nature spécifique de l’infraction réprimée par l’article 415 contesté du code des douanes. Il affirme ainsi que « le délit de blanchiment qui fait l’objet de cette peine minimale d’emprisonnement présente une particulière gravité ».
Cette appréciation permet au législateur de déroger partiellement à la souplesse habituelle du régime des peines pour assurer une réponse pénale suffisamment ferme. La lutte contre les circuits financiers clandestins liés aux trafics illicites justifie l’adoption de mesures répressives dont l’efficacité repose sur la sanction.
B. La conciliation entre nécessité des peines et objectifs de politique criminelle
L’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires pour être valide. Le législateur peut fixer des règles assurant une répression effective sans méconnaître les exigences constitutionnelles d’individualisation et de proportionnalité des sanctions prononcées.
Le Conseil estime ici que l’écart entre la durée minimale de deux ans et le plafond de dix ans préserve l’équilibre requis par la Constitution. La juridiction peut ainsi fixer la peine en fonction des circonstances de l’espèce tout en respectant le cadre minimal imposé par la volonté législative.
Cette validation de la norme minimale par le Conseil constitutionnel s’accompagne toutefois de la préservation des prérogatives essentielles du juge du fond.
II. Le maintien effectif du pouvoir d’appréciation de la juridiction de jugement
A. La subsistance d’une marge de manœuvre dans la détermination du quantum
Le juge pénal conserve la possibilité de moduler la sanction à l’intérieur de l’intervalle légal prévu par les dispositions contestées du code des douanes. L’existence d’un plancher n’empêche pas de « fixer, dans ces limites, la peine d’emprisonnement en fonction des circonstances de l’espèce » lors du délibéré.
Cette marge de manœuvre garantit que la peine ne soit pas automatique mais résulte d’une analyse concrète des faits soumis à l’examen des magistrats. L’individualisation demeure donc effective malgré la contrainte législative pesant sur le seuil de départ de la réflexion judiciaire relative à la durée d’emprisonnement.
B. La persistance des mécanismes généraux d’individualisation et d’exemption
La décision souligne enfin que l’instauration de ce minimum n’interdit pas l’usage d’autres dispositions favorables prévues par le droit pénal commun ou douanier. La juridiction peut notamment « dispenser le coupable de la peine d’emprisonnement » ou ordonner le sursis à son exécution selon les modalités classiques.
L’application combinée de ces textes permet d’écarter le grief d’inconstitutionnalité en offrant au juge des outils juridiques variés pour adapter sa décision finale. Le principe d’individualisation se trouve sauvegardé par la complémentarité des normes répressives et des facultés de dispense prévues au bénéfice du justiciable.