Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-746 QPC du 23 novembre 2018

Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité le 17 septembre 2018, examine la validité des sanctions réprimant le défaut de déclaration de transferts transfrontaliers. Ce litige naît d’un manquement aux obligations déclaratives imposées aux personnes physiques lors de mouvements de capitaux d’un montant supérieur aux seuils réglementaires fixés par la loi. La chambre criminelle de la Cour de cassation, par son arrêt numéro 2267 du 12 septembre 2018, a transmis cette question relative à la proportionnalité de l’amende encourue. Le requérant soutient que l’infraction, constituant une simple omission formelle sans fraude avérée, ne saurait justifier une amende s’élevant au quart des sommes transférées.

La question posée examine si une amende proportionnelle forfaitaire méconnaît les principes de nécessité et de proportionnalité issus de l’article 8 de la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en considérant que la peine poursuit des objectifs de sauvegarde de l’ordre public sans présenter de caractère manifestement excessif. Il précise que l’amende de 25 % constitue un « taux maximal pouvant être modulé par le juge » afin d’assurer une juste individualisation de la répression pénale. L’analyse de cette décision conduit à étudier la légitimité de cette sanction proportionnelle avant d’en apprécier les modalités de sa validation par la modulation juridictionnelle.

**I. La légitimité d’une sanction proportionnelle au service de l’ordre public financier**

**A. La poursuite d’objectifs de valeur constitutionnelle impérieux**

L’obligation de déclaration des mouvements financiers internationaux permet à l’administration d’exercer une surveillance efficace sur les flux de capitaux quittant ou entrant sur le territoire national. Le Conseil souligne que le législateur a entendu « lutter contre le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale et les mouvements financiers portant sur des sommes d’origine frauduleuse ». Cette démarche s’inscrit directement dans la mise en œuvre de la lutte contre la fraude fiscale, érigée en objectif de valeur constitutionnelle par la jurisprudence constante. La sauvegarde de l’ordre public financier justifie ainsi l’établissement d’un dispositif préventif dont l’efficacité repose sur la sévérité des sanctions attachées à sa méconnaissance. Le juge constitutionnel valide la nécessité de cette mesure en relevant que le législateur a ainsi recherché un équilibre entre la liberté de circulation et la sécurité.

**B. La corrélation matérielle entre l’infraction et la sanction pécuniaire**

Le principe de proportionnalité impose que la peine ne soit pas manifestement hors de proportion avec la gravité des faits reprochés au contrevenant lors de l’instance. En l’espèce, le législateur a fait le choix d’une amende calculée en fonction du montant des capitaux ayant fait l’objet de l’omission déclarative litigieuse. Le Conseil constitutionnel relève qu’en punissant le manquement d’une amende proportionnelle, le pouvoir législatif « a instauré une sanction dont la nature est liée à celle de l’infraction ». Cette identité de nature entre l’assiette de l’infraction et le mode de calcul de la peine assure une cohérence logique indispensable au système répressif douanier. L’amende s’ajuste précisément à l’importance économique du transfert financier irrégulièrement réalisé sans pour autant priver le juge de son pouvoir souverain d’appréciation.

**II. La validation de la constitutionnalité par la modulation juridictionnelle**

**A. L’absence de disproportion manifeste du taux plafonné**

Le requérant critiquait la fixation d’un taux de vingt-cinq pour cent, jugé excessif pour un simple manquement administratif dénué de toute intention frauduleuse caractérisée. Toutefois, les juges de la rue de Montpensier considèrent que ce taux ne présente pas de caractère manifestement disproportionné au regard de la gravité de l’infraction. Le Conseil constitutionnel précise que ce pourcentage ne constitue pas une sanction automatique mais doit s’analyser comme un plafond supérieur laissé à la libre appréciation des juges. En affirmant que ce montant « ne constitue qu’un taux maximal », la juridiction préserve la conformité du texte en interdisant toute interprétation conduisant à une peine immuable. Cette interprétation permet de concilier la fermeté nécessaire à la dissuasion des fraudes avec le contrôle effectif exercé par l’autorité judiciaire sur le quantum.

**B. La garantie d’une individualisation effective par l’office du juge**

La constitutionnalité de la disposition repose sur la faculté offerte aux tribunaux de moduler le montant de la peine en fonction des circonstances propres à chaque espèce. Le Conseil constitutionnel fonde son raisonnement sur l’application de l’article 369 du code des douanes qui permet au juge de réduire le montant de l’amende. Cette possibilité de modulation garantit que la peine appliquée soit « légalement appliquée » et strictement adaptée à la situation concrète ainsi qu’à la personnalité de l’auteur. Le contrôle juridictionnel exercé lors du procès permet d’écarter toute application mécanique de la loi qui pourrait aboutir à une sanction inique pour le justiciable. En maintenant cette souplesse, le juge assure que l’amende proportionnelle demeure un outil de régulation économique compatible avec les exigences protectrices de la Déclaration des droits.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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