Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-774 QPC du 12 avril 2019

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2019-774 QPC du 12 avril 2019, s’est prononcé sur la conformité de diverses dispositions régulant les prix et les marges en Nouvelle-Calédonie. Cette réforme législative locale visait à accompagner l’instauration de la taxe générale sur la consommation en prévenant les risques inflationnistes liés à cette mutation fiscale profonde.

Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 25 janvier 2019 après qu’elle fut soulevée par deux sociétés commerciales à l’occasion d’un litige. Les requérantes invoquaient une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre résultant du mécanisme pérenne de réglementation des marges commerciales et des obligations déclaratives imposées aux opérateurs. Elles soutenaient également que le législateur du pays avait méconnu l’étendue de sa compétence en ne définissant pas assez précisément le champ des produits et services concernés.

La difficulté juridique résidait dans la conciliation entre l’objectif de protection du pouvoir d’achat des consommateurs calédoniens et le respect de la liberté constitutionnelle d’entreprendre des entreprises. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du dispositif tout en censurant les dispositions permettant une extension indéterminée de la réglementation ou instaurant des mécanismes de sauvegarde disproportionnés.

L’analyse de la solution retenue conduit à examiner d’abord la validation des mesures d’encadrement temporaires et ciblées avant d’étudier la censure des mécanismes jugés trop imprécis ou pérennes.

I. La validation des mesures d’encadrement temporaires et ciblées

A. Un objectif d’intérêt général lié aux particularités économiques locales

Le Conseil constitutionnel reconnaît la légitimité de l’intervention du législateur du pays pour lutter contre la hausse des prix touchant certains produits et services essentiels. Il souligne que le législateur a « entendu, eu égard aux particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie et aux insuffisances de la concurrence, préserver le pouvoir d’achat des consommateurs ». Cette protection constitue un objectif d’intérêt général suffisant pour justifier des limitations à la liberté d’entreprendre découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789. Les juges admettent que la situation spécifique de l’archipel autorise des mesures de régulation des prix plus strictes que sur le territoire métropolitain.

B. La proportionnalité des obligations déclaratives et du plafonnement transitoire

Les obligations de transmission d’informations commerciales au gouvernement ne portent pas atteinte à la liberté d’entreprendre car elles ne sont pas rendues publiques. Le Conseil précise que le service compétent de l’exécutif local est « l’unique destinataire de ces informations » et que le secret des affaires est ainsi préservé. Concernant le plafonnement des marges durant douze mois, la mesure est jugée proportionnée en raison de son caractère « exceptionnel et transitoire » lié à la réforme fiscale. Les entreprises conservent la possibilité d’ajuster leurs prix de vente en fonction de l’évolution réelle de leurs coûts de revient licites.

II. La censure des extensions imprécises et disproportionnées de la réglementation

A. L’incompétence négative affectant le champ de la réglementation pérenne

Le Conseil censure les mots « en particulier » qui permettaient d’étendre la liste des produits réglementés au-delà de ceux de première nécessité ou de grande consommation. En utilisant cette formulation trop vague, le législateur a permis qu’un « nombre indéterminé de produits ou services » fassent l’objet d’une réglementation au seul motif de leur impact budgétaire. Les juges considèrent qu’il a ainsi « méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d’entreprendre » des acteurs économiques. La détermination précise du champ d’application d’une telle restriction de liberté relève impérativement de la compétence du législateur et non du pouvoir réglementaire.

B. Le caractère disproportionné du mécanisme de sauvegarde permanent

Le dispositif permettant au gouvernement d’intervenir en cas de dérives sur les prix manifestement excessives est déclaré contraire à la Constitution par les juges. Cette censure repose sur le fait que le déclenchement du mécanisme était défini de manière trop large et fondé sur des « proportions minimes » de dépassement. Le Conseil relève que ce mécanisme de sauvegarde pouvait être « mis en œuvre à tout moment » sans limite de temps réelle après la réforme fiscale. Cette prérogative accordée à l’exécutif local, applicable potentiellement à tout secteur d’activité, portait à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture