Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-791 QPC du 21 juin 2019

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 21 juin 2019, la décision numéro 2019-791 QPC relative à la conformité aux droits fondamentaux de dispositions du code de procédure pénale. Cette affaire porte sur l’absence de recours effectif contre le refus d’octroyer une autorisation de sortie sous escorte aux personnes placées en détention provisoire ou condamnées. Une association œuvrant pour les droits des prisonniers a soulevé cette question prioritaire de constitutionnalité lors d’un litige administratif portant sur les conditions de détention. Le Conseil d’État a transmis cette requête au juge constitutionnel par une décision numéro 427252 du 5 avril 2019 en raison du caractère sérieux des griefs invoqués. L’association requérante soutenait que le silence du législateur sur les voies de recours ou l’absence de délais de jugement portait une atteinte substantielle au droit au recours.

Le problème juridique central consistait à déterminer si les articles 148-5 et 723-6 du code de procédure pénale respectent le droit à un recours juridictionnel effectif garanti constitutionnellement. Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 148-5 pour l’absence totale de voie de recours mais a validé l’article 723-6 en raison de l’existence d’une procédure de contestation. L’analyse portera d’abord sur l’inconstitutionnalité du régime applicable aux prévenus avant d’examiner la validité de celui régissant les personnes condamnées au regard des exigences du droit positif.

I. L’inconstitutionnalité de l’absence de recours pour les prévenus

A. La constatation d’une lacune législative absolue

L’article 148-5 du code de procédure pénale permet à la juridiction d’instruction d’accorder une sortie sous escorte à titre exceptionnel pour les personnes en détention provisoire. Cependant, les sages relèvent que « ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction le refus d’une telle autorisation ». Cette absence de mécanisme de contestation place le prévenu dans une situation d’impuissance juridique face à une décision portant pourtant sur une modalité de sa liberté. Le juge constitutionnel souligne l’existence d’un vide législatif qui prive la personne mise en examen de toute protection contre l’arbitraire éventuel de l’autorité judiciaire saisie. La mesure de sortie, bien qu’exceptionnelle, demeure un élément d’exécution de la détention impactant directement la vie privée et familiale de l’intéressé placé sous écrou.

B. La sanction de la violation du droit au recours juridictionnel effectif

Le Conseil constitutionnel fonde sa censure sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour protéger les libertés individuelles fondamentales. Il affirme fermement qu’il « ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ». Le refus d’autorisation entraîne des conséquences notables pour le détenu provisoire, justifiant ainsi l’obligation pour le législateur de prévoir une voie réelle de remise en cause judiciaire. En déclarant cette disposition contraire à la Constitution, la juridiction impose une modification de la procédure pénale pour garantir enfin l’accès effectif à un juge indépendant. Cette décision renforce la protection des droits de la défense et assure une cohérence avec les standards internationaux relatifs au contrôle juridictionnel des mesures privatives de liberté.

Si le sort des prévenus appelle une réforme législative immédiate, la situation des personnes condamnées bénéficie déjà d’un encadrement juridique jugé suffisant par le Conseil constitutionnel.

II. La validité du régime de contestation pour les personnes condamnées

A. La reconnaissance d’une voie de recours effective et accessible

L’article 723-6 du code de procédure pénale concernant les personnes condamnées est jugé conforme aux principes constitutionnels par la juridiction saisie de la question prioritaire de constitutionnalité. Le juge de l’application des peines statue par ordonnance, laquelle est « susceptible de faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’application des peines ». Cette structure juridictionnelle permet au condamné de soumettre son désaccord à un second examen indépendant pour vérifier la légalité ainsi que l’opportunité de la décision initiale. Le Conseil estime que l’existence de cette voie de droit suffit à satisfaire aux exigences constitutionnelles de protection contre les décisions de rejet explicites du juge. La différence de traitement entre les prévenus et les condamnés est ainsi maintenue par l’affirmation de la présence d’un juge pour cette catégorie d’individus.

B. La suppléance des règles générales contre l’inertie juridictionnelle

La critique portant sur l’absence de délai spécifique imposé pour statuer est écartée par le recours aux dispositions générales de l’article 802-1 du code de procédure pénale. Le texte prévoit qu’il est « possible d’exercer un recours contre la décision implicite de rejet de la demande » après un délai d’attente de deux mois. Le Conseil constitutionnel précise qu’il appartient au magistrat de tenir compte de l’éventuelle urgence pour rendre sa décision avant l’expiration de ce délai légal général. Cette interprétation constructive permet de rejeter le grief d’incompétence négative en considérant que le cadre juridique global offre les garanties nécessaires à un traitement rapide. La solution retenue confirme que le droit au recours n’exige pas systématiquement la fixation de délais de procédure dérogatoires pour chaque type de mesure de sortie.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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