Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019, examine la conformité de l’article L. 611-6-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Ce texte permet le recueil des empreintes et de la photographie des étrangers se déclarant mineurs mais privés de la protection de leur famille. Plusieurs associations et syndicats ont contesté ces dispositions par une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la plus haute juridiction administrative le 15 mai 2019. Les requérants soutenaient que ce fichier biométrique méconnaissait l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que le droit au respect de la vie privée. Il appartenait donc aux juges de déterminer si la création d’un tel traitement automatisé respectait les droits et libertés garantis par la Constitution. La juridiction décide que les dispositions sont conformes à la Constitution, sous réserve de garanties précises entourant la mise en œuvre de ce dispositif technique. La réflexion portera sur la reconnaissance d’une exigence constitutionnelle de protection de l’enfant avant d’analyser l’encadrement rigoureux du traitement des données personnelles.

I. La consécration d’une exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant

A. L’ancrage de la protection de la jeunesse dans le bloc de constitutionnalité

Le juge constitutionnel fonde sa décision sur les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 relatifs à la protection de la famille. Il déduit de ces principes une « exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant » qui impose aux autorités publiques de veiller au développement de l’individu. Cette exigence implique que « les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge » selon les termes mêmes de la décision. Les magistrats considèrent que la collecte de données biométriques permet précisément de vérifier qu’une évaluation de la minorité n’a pas déjà été conduite par une autorité. Le dispositif vise ainsi à garantir que les protections spécifiques prévues par la loi bénéficient exclusivement aux personnes dont la minorité a été effectivement établie.

B. La légitimité d’un fichier biométrique au service de la sécurité publique

La création de ce traitement automatisé poursuit un double objectif de valeur constitutionnelle à savoir la protection de l’enfance et la lutte contre l’immigration irrégulière. Le Conseil affirme qu’aucune norme constitutionnelle ne s’oppose à ce qu’un traitement automatisé de données poursuive simultanément plusieurs finalités d’intérêt général pour la société. Le législateur a ainsi entendu « faciliter l’action des autorités en charge de la protection des mineurs » tout en protégeant l’ordre public par le contrôle des frontières. Cette conciliation entre des objectifs potentiellement divergents est jugée nécessaire pour prévenir la réitération de demandes de protection formulées indûment par des personnes majeures. L’existence du fichier répond donc à une nécessité administrative visant à rationaliser la gestion des flux migratoires tout en préservant les ressources de l’aide sociale.

II. Un contrôle de proportionnalité rigoureux des atteintes au droit à la vie privée

A. L’absence d’incidence automatique du fichier sur la détermination de l’âge

Le Conseil constitutionnel apporte des garanties essentielles en précisant que le fichier ne modifie pas les règles de fond relatives à la détermination de l’âge. Il souligne avec force que « la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes » par les services compétents. Le juge interdit également aux autorités de conclure à la majorité d’une personne par la seule constatation de sa présence antérieure dans la base de données. Ces précisions assurent que le recours à la technique ne remplace jamais l’examen individuel et approfondi de la situation de chaque étranger sollicitant une aide. Le droit à un recours juridictionnel effectif demeure ainsi pleinement préservé malgré la mise en place de cet outil numérique destiné à assister l’évaluation administrative.

B. L’encadrement technique et temporel des données recueillies par l’administration

Le respect de la vie privée impose que la collecte de données à caractère personnel soit adéquate et proportionnée au motif d’intérêt général poursuivi par la loi. La juridiction relève que les données recueillies sont limitées aux éléments nécessaires à l’identification et que « le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale ». Cette interdiction technologique majeure limite les risques d’une surveillance généralisée et préserve l’anonymat relatif des personnes circulant sur le territoire sans être soupçonnées d’infraction. Enfin, la conservation des données des mineurs est « limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation » selon les critères légaux. Le juge conclut que le législateur a opéré une « conciliation qui n’est pas disproportionnée » entre les nécessités de l’ordre public et les libertés individuelles fondamentales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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