Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 11 mai 2020, une décision capitale portant sur la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Cette saisine intervient dans le contexte exceptionnel de l’épidémie de covid-19 ayant justifié l’adoption de mesures législatives restrictives des libertés publiques. Diverses autorités politiques ont déféré ce texte au contrôle de constitutionnalité pour contester les modalités de mise en quarantaine et le traitement des données médicales. Les requérants invoquaient notamment la violation de la liberté individuelle, du droit au respect de la vie privée ainsi que du principe de séparation des pouvoirs. Le juge devait déterminer si les restrictions imposées par le législateur respectaient un équilibre proportionné avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du dispositif tout en prononçant des censures ciblées et en émettant des réserves d’interprétation particulièrement strictes.

I. L’encadrement des mesures attentatoires aux libertés individuelles

A. La garantie judiciaire face aux mesures de privation de liberté

Le juge constitutionnel affirme que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Les mesures de quarantaine ou d’isolement imposant un confinement de plus de douze heures par jour constituent une privation de liberté au sens constitutionnel. Le législateur doit donc prévoir l’intervention systématique du juge judiciaire pour autoriser la prolongation de telles contraintes au-delà d’un délai de quatorze jours. Cette exigence garantit que l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, exerce effectivement son contrôle sur les mesures administratives les plus attentatoires. L’absence d’un tel contrôle pour les périodes initiales de confinement est toutefois admise sous réserve que l’intéressé dispose d’un droit de recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel censure ainsi les dispositions transitoires qui ne prévoyaient pas de garanties suffisantes quant à la durée maximale et au contrôle du juge.

B. La proportionnalité des restrictions à la liberté d’aller et de venir

L’autorité administrative peut réglementer la circulation, fermer des établissements recevant du public et ordonner des réquisitions nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire. Ces mesures portent atteinte à la liberté d’aller et de venir ainsi qu’à la liberté d’entreprendre mais poursuivent un objectif de santé publique. Le juge souligne que ces prérogatives doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ». La loi prévoit que ces mesures cessent sans délai dès qu’elles ne sont plus nécessaires au regard de l’évolution de la situation épidémique. Le contrôle juridictionnel s’exerce alors sur l’adéquation de la décision administrative avec la finalité sanitaire poursuivie par le législateur dans le cadre de l’urgence. L’équilibre est ainsi maintenu entre les nécessités de l’action publique et la protection des droits fondamentaux des citoyens résidant sur le territoire national.

II. La protection de la vie privée et de l’équilibre des pouvoirs

A. La validité conditionnée des systèmes d’information sanitaire

Le législateur a instauré un système d’information permettant de partager des données médicales sensibles sans le consentement des personnes infectées pour identifier les chaînes de contamination. Cette dérogation au secret médical est justifiée par l’intérêt général mais doit être entourée de précautions garantissant la confidentialité des informations traitées. Le juge constitutionnel précise que les données collectées doivent être supprimées dans un délai maximal de trois mois après leur collecte pour limiter les risques d’atteinte. « L’exigence de suppression doit également s’étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés » afin de protéger leur intimité de manière optimale. L’accès aux fichiers est strictement limité aux seuls personnels habilités dont l’intervention est rendue nécessaire par la gestion directe de la crise sanitaire. Cette vigilance particulière répond à la sensibilité extrême des données médicales dont la manipulation exige une protection accrue contre tout usage détourné.

B. La sanction des prérogatives excessives et le respect de la séparation des pouvoirs

Le Conseil constitutionnel censure la communication de données à caractère personnel aux organismes d’accompagnement social sans le recueil préalable du consentement exprès des intéressés. Cette transmission d’informations ne relève pas directement de la lutte contre l’épidémie et méconnaît donc de manière disproportionnée le droit au respect de la vie privée. Par ailleurs, le législateur ne peut pas subordonner l’exercice du pouvoir réglementaire à l’avis conforme d’une autorité administrative indépendante sans méconnaître les compétences du Premier ministre. La décision sanctionne également l’obligation de transmission immédiate au Parlement de chaque acte individuel pris en application du dispositif de traitement des données de santé. Une telle exigence « a méconnu le principe de séparation des pouvoirs » en entravant de manière excessive l’action du pouvoir exécutif dans ses missions quotidiennes. Ces censures rappellent que même en période de crise, le respect des équilibres institutionnels et des libertés fondamentales demeure le fondement de l’État de droit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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