Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 15 avril 2021, a examiné la conformité d’une loi organique simplifiant les expérimentations des collectivités territoriales. Le Premier ministre a saisi la haute juridiction afin de valider ce texte pris sur le fondement de l’article 72 de la Constitution. Le législateur souhaitait alléger les contraintes procédurales pesant sur les entités locales désirant déroger temporairement aux dispositions législatives régissant leurs compétences. Plusieurs articles modifient le code général des collectivités territoriales pour supprimer l’approbation préalable du Gouvernement au profit d’une décision locale directe. Le contrôle de légalité exercé par le représentant de l’État se trouve également réformé par la suppression de certaines formalités de transmission obligatoire. La question posée aux juges réside dans la conciliation entre la libre administration des collectivités et le respect du principe constitutionnel d’égalité. Le Conseil constitutionnel confirme la validité de la loi en soulignant la permanence des garanties essentielles du contrôle administratif de l’État. L’analyse portera d’abord sur la simplification procédurale de l’expérimentation avant d’aborder l’encadrement rigoureux de la pérennisation des mesures ainsi prises.
I. La simplification procédurale du recours à l’expérimentation locale
A. La substitution d’une faculté de décision à l’autorisation préalable
L’article 2 de la loi organique supprime l’obligation pour le Gouvernement de vérifier l’aptitude d’une collectivité avant de l’autoriser à expérimenter. Désormais, toute collectivité remplissant les conditions légales peut décider elle-même de sa participation par une simple délibération publiée au Journal officiel. Le Conseil constitutionnel valide cette autonomie accrue qui renforce le pouvoir de décision locale sans méconnaître les compétences du pouvoir réglementaire national. Cette réforme met fin à une tutelle administrative jugée trop lourde pour le dynamisme des projets territoriaux innovants au sein de la République. Le législateur a ainsi entendu favoriser l’usage de l’article 72 en simplifiant les étapes préalables à la mise en œuvre des dérogations.
B. Le maintien effectif des prérogatives du représentant de l’État
L’article 3 supprime l’indication de transmission systématique des actes expérimentaux au représentant de l’État ainsi que la condition de publication au Journal officiel. Toutefois, le juge précise qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que le caractère exécutoire des actes dépende, dans tous les cas, de leur transmission. La garantie des droits est satisfaite puisque le préfet conserve la possibilité d’exercer un contrôle de légalité sur les délibérations et les actes. Le Conseil rappelle que le représentant de l’État peut toujours déférer au tribunal administratif les actes qu’il estime contraires à la légalité en vigueur. Cette vigilance administrative assure le respect des lois nationales tout en permettant une souplesse nécessaire à la conduite des expérimentations locales dérogatoires.
II. L’encadrement rigoureux de l’issue et de la pérennisation des mesures
A. La reconnaissance d’une différenciation territoriale à objet limité
L’article 6 de la loi organique permet au Parlement d’autoriser temporairement les collectivités à mettre en œuvre des mesures dérogeant aux dispositions législatives. Le Conseil constitutionnel souligne que ces dérogations constituent une exception admise au principe d’égalité devant la loi énoncé par l’article 6 de la Déclaration de 1789. Cette rupture d’égalité est constitutionnellement justifiée par le but expérimental et le caractère limité, dans l’objet comme dans la durée, de la mesure. Le juge constitutionnel veille ainsi à ce que la différenciation territoriale ne devienne pas une règle permanente sans une justification d’intérêt général suffisante. Les expérimentations doivent rester des instruments de test législatif avant une éventuelle transformation de la norme commune sur l’ensemble du territoire national.
B. L’exigence de respect du principe d’égalité lors de la généralisation
Le Conseil constitutionnel apporte une réserve importante concernant le maintien pérenne des mesures prises à titre expérimental après l’expiration du délai fixé. Il affirme que « le législateur ne saurait maintenir à titre pérenne des mesures prises à titre expérimental dans les seules collectivités territoriales ayant participé ». Si la mesure est concluante, elle doit être étendue à toutes les collectivités présentant les mêmes caractéristiques justifiant une dérogation au droit commun. Le principe d’égalité impose que la loi demeure la même pour tous dès lors que la phase de test initiale est officiellement terminée. Par cette décision, le juge garantit que la simplification des procédures ne conduit pas à un morcellement définitif et arbitraire du droit positif français.